Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Six ans après le multi-primé the Cove – la Baie de la honte qui avait su sensibiliser davantage le public aux débordements inacceptables liés à l’exploitation à un niveau industriel de la chasse aux cétacés, Louie Psihoyos remet le couvert avec des méthodes similaires mais sur une plus grande échelle. Au lieu de simplement se focaliser sur une activité humaine contrevenant aux lois naturelles, il va suivre les investigations (parfois risquées) et les manifestations d’activistes engagés dans le but de préserver la planète non pas de son anéantissement, mais de l’extinction pure et simple, et programmée, de sa biosphère.
Sur ces préceptes inattaquables, le réalisateur passionné et toute son équipe ne se contentent pas de faire un étalage gratuit des horreurs auxquelles certains groupes ou nations sont capables de se livrer sans aucun remords malgré l’impact profondément négatif sur la nature : ils choisissent au contraire de soigner leur propos par un montage parfois confus mais volontairement dense de situations appelées à provoquer en nous le dégoût, la colère, l’incompréhension puis, peut-être et enfin, la révolte.
Car Racing Extinction est avant tout un film militant. Moins pamphlétaire qu’il ne le laisse croire, moins nihiliste que foncièrement alarmiste également. Car malgré la surexploitation et les exterminations de masse, malgré la déforestation et l’impact négatif de notre industrie sur la faune, malgré l’immobilisme criminel de certains Etats et organisations gouvernementales, Racing Extinction demeure étonnamment peu sceptique quant à la mobilisation des foules, résolument positif : après tout, et comme le souligne le leitmotiv de fin, repris d’un mouvement lancé récemment sur les réseaux sociaux, « il suffit d’un geste » pour contribuer à sauver les espèces menacées – et, partant, notre monde.
Surfant en permanence entre dénonciation radicale par l’investigation et didactisme de bon aloi, le documentaire met en scène non seulement l’équipe du réalisateur mais également d’autres individus, rencontrés parfois au hasard d’une même initiative, qui vont trouver une nouvelle manière d’alarmer la population et ainsi inspirer le finale du métrage. Au lieu de grands discours perclus de chiffres et statistiques, les images en disent souvent autant mais avec un impact supérieur. Du coup, outre ces enquêtes sous le manteau (caméras cachées, faux papiers, prétextes fallacieux) qui révèleront des méthodes de chasse ou pêche honteuses, formellement interdites par des conventions internationales mais tolérées par certains pays, Psihoyos n’hésite pas à montrer ce que la Nature offre de plus beau, avec ce sentiment de désespoir qui accompagne tout inexorable cataclysme. Aussi fascinante que déprimante apparaît ainsi la découverte de cet institut qui archive les sons enregistrés dans la Nature, dans lequel un scientifique nous fait entendre le cri d’un oiseau mâle ne trouvant aucun écho à son appel amoureux – car il est le dernier représentant de son espèce et qu’aucune femelle ne lui répondra plus jamais. Racing extinction met en lumière non seulement les mensonges flagrants des exploitants (les images du commerce d’ailerons de requins sont une terrible réalité) mais également les évolutions de plus en plus rares des plus beaux spécimens animaux. Il va jusqu’à démontrer à certaines communautés comment elles peuvent – exemple à l’appui – survivre et même prospérer en commuant la pêche des tortues en attraction touristique. Si cela n’avait pas été fait ailleurs, les propositions de l’équipe sembleraient utopiques.
Et ça les encourage à aller au-delà puisqu’ils concluent, pendant que défilent les projections vidéo effectuées sur les façades des grands immeubles des Nations Unies, sur la nécessité de changer nos modes de vie, nos sources d’énergie et nos habitudes alimentaires.
Un réveil des consciences salutaire, lucide et plein de fraîcheur. A voir.
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Titre original |
Racing Extinction |
Mise en scène |
Louie Psihoyos |
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Date de sortie |
6 avril 2016 (DVD) avec Sony Pictures |
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Scénario |
Mark Monroe |
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Distribution |
Elon Musk, Louie Psihoyos, Jane Goodall & Charles Hambleton |
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Photographie |
Sean Kirby, John Behrens, Shawn Heinrichs & Petr Stepanek |
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Musique |
J. Ralph |
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Support & durée |
DVD Sony Pictures (2016) zone 2 / 90 minutes |
Synopsis : Le réalisateur oscarisé Louie Psihoyos (The Cove - La Baie de la honte) réunit une équipe d’artistes et d’activistes pour faire découvrir le monde méconnu des espèces en voie de disparition. Une course contre la montre a déjà commencé pour les sauver. L’équipe parcourt le globe pour infiltrer les marchés noirs et utilise une technologie de pointe pour illustrer le lien entre émissions de carbone et disparition des espèces. Racing Extinction révèle des images inédites qui changeront à jamais votre façon de voir le monde.