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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Night Call : business du sordide

Critique acerbe du monde de l'information et des déviances inhérentes à la course à l'audimat, Night Call a tout du film événement, d'autant que Jake Gyllenhaal livre une nouvelle fois une performance hallucinante. Le scénario aurait tout de même pu pousser davantage la réflexion, quitte à ce que le réalisateur fasse sombrer son film dans la folie la plus totale au lieu de ne rester, finalement, qu'à la surface d'un propos pas toujours très subtil.

Première réalisation pour le scénariste - entre autres - de Real Steel ou Jason Bourne L'Héritage, Night Call (Nightcrawler en VO, un titre qui lui sied tellement mieux) narre la percée et la montée des échelons d'un jeune ambitieux s'autoproclamant reporter indépendant dans le milieu extrêmement cynique d'une chaîne TV en perte de vitesse, n'hésitant pas un seul instant à recourir à la diffusion d'images ultra choquantes pour continuer à maintenir un certain niveau d'Audimat. Interprété à la perfection par un Jake Gyllenhaal au teint blafard, cerné et amaigri pour l'occasion, le personnage de Lou Bloom a tout de l'antihéros que l'on adore détester, car l'on comprend bien vite que ce jeune ambitieux est un véritable psychopathe dénué de toute forme d'empathie. Arrogant, intelligent, manipulateur, imprévisible, glacial, il fait partie de ces rares personnages de cinéma aussi repoussants que fascinants, dont les actes ne sont jamais punis ou jugés mais devant lesquels on reste captivé.

Car Night Call est une histoire de réussite et cet opportuniste de Lou Bloom n'est jamais très éloigné des modèles du genre que l'on trouve habituellement chez Scorsese (comme dans Le Loup De Wall-Street). Exerçant un pouvoir de séduction autant sur son entourage que sur les spectateurs, le personnage va petit à petit faire son trou pour approcher au plus près le monde de la télévision et par extension s'assurer une place de choix au jeu de l'exposition médiatique. Bien décidé à devenir la nouvelle référence en matière de reportage sur des faits divers particulièrement glauques, Lou Bloom va tenter de se démarquer coûte que coûte de ses concurrents. Pour ce faire, il va mettre à profit sa prédisposition naturelle à demeurer totalement insensible au sort des autres, et commencer à franchir les limites de la morale et de l'éthique pour rapporter des images toujours plus crues et insoutenables. Errant toutes les nuits à la recherche d'un scoop qui lui permettra d'assouvir son besoin de notoriété et de reconnaissance, Lou Bloom a tout du cafard, méprisable mais résistant, d'un insecte rampant attiré paradoxalement par ce qui brille. Le titre original est de ce fait nettement plus représentatif de la tonalité malsaine du film que sa version française. Gardant une longueur d'avance sur tout le monde, il va tout faire pour parvenir à ses fins, quitte à commettre l'irréparable.

L'histoire est bien évidemment tétanisante, d'autant que l'on se dit continuellement -notamment à chaque intervention du personnage de Rene Russo, formidable, la directrice des programmes de la chaîne TV qui achète et diffuse les images de Lou Bloom - que Dan Gilroy (scénariste et metteur en scène) doit souvent taper dans le mille quant à la véracité de ce qu'il tend à montrer. Le problème, finalement, c'est que l'on n'a jamais l'impression qu'il cherche à pousser la réflexion, se contentant d'illustrer habilement ce que l'on sait déjà. Le propos manque parfois de subtilité, avec cette sensation, en sortant de la salle de projection, que le film aurait pu être plus percutant, plus incisif, sur sa peinture d'un milieu de plus en plus cynique en corrélation avec le voyeurisme de plus en plus assumé d'un public détaché. L'offre et la demande en fait, ce que ne traite pas vraiment le réalisateur. Il aurait peut-être pu pousser la caricature, faire sombrer son film dans la folie la plus totale pour comprendre un peu mieux ce qui anime son personnage principal.

Qu'importe finalement, car Night Call est tout de même une oeuvre remarquable, dont l'attrait principal reste la performance hallucinante de Jake Gyllenhaal, hypnotique et manipulateur. A voir donc, même si l'on tempérera un peu les avis trop enthousiastes, le film passant trop souvent à côté de ce qui aurait pu en faire un véritable classique. Mais encore une fois, c'est une réussite tout de même.

 

 

Titre original

Nightcrawler

Mise en scène 

Dan Gilroy

Date de sortie

26/11/14 avec

Scénario 

Dan Gilroy

Distribution 

Jake Gyllenhaal, Bill Paxton & Rene Russo

Photographie

Robert Elswit

Musique

James Newton Howard

Support & durée

2.35 : 1 / 117 minutes

 

Synopsis : Un journaliste indépendant enquête dans le milieu du crime à Los Angeles.

 

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