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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Lucy : pourquoi tant de haine ?

Film étrange et paradoxal que ce Lucy, la dernière réalisation de Luc Besson. Ou comment faire un long-métrage sur le thème de la transmission de l'intelligence en s'adressant de manière grossière à des spectateurs infantilisés. Si l'aspect philosophique revendiqué est complètement raté, il demeure un spectacle franchement jouissif et hautement divertissant.

Carton plein pour le nouveau film de Luc Besson, qui réalise le meilleur démarrage outre-Atlantique de la carrière de son auteur ainsi que des débuts prometteurs pour son exploitation dans nos salles [NDLR. Les chiffres sont tombés : c’est le meilleur démarrage en France pour un film de Luc Besson.]. Succès mérité pour les uns, incompréhensible pour les autres. Le réalisateur de Léon a toujours été controversé, mais rarement autant que depuis la création d'EuropaCorp (et de l'inauguration de la Cité du Cinéma dans une moindre mesure), synonyme pour beaucoup de critiques de projets cyniques, opportunistes voire méprisants. Pourtant, les spectateurs continuent de plébisciter chacune de ses productions, l'encourageant à continuer dans cette voie du « film facile et commercial (sic) » (la série des Transporteurs, Taken…). L'écart entre la perception du public et celle des professionnels se fait de plus en plus important, tendant à exacerber les avis des uns et des autres jusqu'à ne plus faire dans la demi-mesure : soit on adore Luc Besson (l'homme étant mis sur le même plan que ses films), soit on le déteste.

C'est vite oublier qu'il est également un acteur majeur dans la production de films indépendants qui mettent en général tout le monde d'accord malgré des sorties parfois confidentielles. Car s'il y a bien quelque chose que l'on ne peut lui reprocher, c'est de donner sa chance à de nouveaux talents, et de savoir bien s'entourer. Malheureusement, cela ne fait pas tout et ne concerne surtout que sa fonction de producteur. En effet, dès qu'il décide de passer derrière la caméra, c'est une autre paire de manches. Et Lucy en fait les frais : en étant lui-même le scénariste de son film, il semble ne plus se fixer de limites, parfois pour un résultat brillant, souvent pour ne plus savoir se canaliser. Besson, omnipotent (à l'image de son héroïne avec qui il partage quasiment le même prénom), franchit allègrement la barre du mauvais goût, et multiplie les incohérences dans l'écriture de son récit, sans que qui que ce soit n'ait – semble-t-il - pu lui en faire la remarque. Si seulement il avait laissé le script entre d'autres mains, le film n'en aurait pu être que meilleur.

En l'état, et parce qu'il s'agit d'une œuvre directement sortie de l'esprit de son unique auteur, Lucy paraît extrêmement prétentieux. Un défaut que l'on aurait pu lui pardonner (après tout, il faut de la prétention, c'est une forme d'ambition) si à côté ses grandes intentions (véhiculer un message à portée philosophique) n'étaient pas revendiquées aussi clairement, faisant fi des ridicules maladresses qui parcourent le film en empêchant toute critique un tant soit peu constructive. Vous n'aimez pas Lucy ? C'est parce que vous n'avez pas compris son sens profond, sa réflexion sous-jacente. Vous aimez Lucy ? C'est parce que vous manquez de culture (cinématographique comme générale). C'est, en gros, ce que l'on pourrait être amené à penser selon son affinité avec le réalisateur. Toujours est-il que c'est cette démarche un peu balourde qu'a Luc Besson, consistant à constamment jouer avec une symbolique et des métaphores « grossières », finit inévitablement par lasser. On peut parler d'intelligence à son public sans surligner au Stabilo tout ce qu'il est sensé comprendre, et ce d'autant plus quand le pitch de départ (l'Homme n'utilise que 10% de ses capacités cognitives) est complètement erroné (ce que reconnaît Luc Besson). C'est très probablement involontaire, mais Lucy devient donc un film qui traite du thème de la transmission de l'intelligence en s'adressant paradoxalement de manière grossière à des spectateurs infantilisés. Et il est normal que ceux-ci puissent se sentir légèrement « insultés » devant des procédés aussi « faciles » que l'insertion de stock shots de reportages animaliers pour bien faire comprendre ce qu'il se passe à l'écran en parallèle (non seulement cela annihile toute tension, mais c'est légèrement hors de propos dans la manière de raconter l'histoire, passant d'abord du point de vue du metteur en scène qui a un temps d'avance sur ses personnages, à celui de son héroïne qui deviendra à la fin la narratrice). On passera donc sur les images directement issues de Baraka (dans une qualité dégueulasse d'ailleurs), ou sur la fin métaphysique cherchant à égaler la force d'un 2001 sans jamais - bien entendu - y parvenir, ne serait-ce que dans son pouvoir évocateur qui apparaît comme « réduit » à une succession de lieux communs (la retranscription de la « Création d'Adam » du plafond de la Chapelle Sixtine est une bonne idée mais Besson insiste tellement sur la peinture de Michel-Ange dès l'introduction du film que le rendu final perd en impact, comme s'il était convaincu que le public ne comprendrait pas la référence sans lui donner quelques indices en amont).

Alors, Lucy film détestable s'adressant sur un ton condescendant à ses spectateurs ? Pas vraiment, il s'agit surtout d'un film maladroit et un peu « concon ». Si Luc Besson n'avait pas tant clamé qu'il voulait faire un film sur l'intelligence, qui fasse réfléchir, nul doute qu'il n'aurait pas provoqué un tel acharnement critique. Pris comme un simple spectacle, Lucy est franchement un film jouissif. Bourré d'incohérences (on ne peut pas toutes les lister mais aucune action ne semble justifiée), le film est suffisamment nerveux et rythmé pour maintenir l'intérêt jusqu'au bout, quand bien même le personnage principal n'est jamais en danger ou ne suscite que rarement de l'empathie, un défaut inhérent à sa nature surhumaine plutôt qu'au jeu formidable de Scarlett Johansson. L'actrice porte le film entièrement sur ses épaules et se montre très impressionnante dans les quelques séquences où elle fait appel à ses nouveaux pouvoirs. A ses côtés, on prend plaisir à voir Morgan Freeman et Choi Mink-Sik, même si ces deux acteurs sont complètement sous-employés, se contentant de leur aura naturelle pour compléter le manque évident d'épaisseur de leur personnage. Quant à Luc Besson, il n'a pas perdu son talent de mise en scène, composant quelques plans inspirés, bien aidé il est vrai par une photo absolument magnifique. Il y a beaucoup de belles trouvailles dans ce film, mais elles ne sont quasiment jamais exploitées correctement. Un exemple : si l'Homme n'utilise que 10% de ses capacités, cela veut-il dire que ce n'est pas vraiment totalement un humain ? En utilisant 100% le deviendra-t-il ? Ou au contraire, en utilisant son plein potentiel, devient-il surhumain ? Votre appréciation dépendra donc de votre degré de tolérance à ce genre de film. Ni plus ni moins. Pas besoin de le juger différemment parce qu'il est réalisé par Luc Besson : le film est tout autant respectable que n'importe quel blockbuster lambda que l'on regarde comme un plaisir coupable. Compte tenu du sujet, on était en droit d'en exiger plus, mais en mettant de côté l'aspect prétentieux de Lucy, pour n'en garder que le spectacle amusant et efficace (la course poursuite rue de Rivoli est quand même bien montée !), on pourra se satisfaire de ce petit film inoffensif, con mais bon !

Note moyenne au Palmarès : 2,40/5

Titre original

Lucy

Mise en scène 

Luc Besson

Date de sortie

06/08/14 avec EuropaCorp

Scénario 

Luc Besson

Distribution 

Scarlett Johansson, Morgan Freeman, Choi Min-Sik & Amr Waked

Photographie

Thierry Arbogast

Musique

Eric Serra

Support & durée

2.35 : 1/89 minutes

 

Synopsis : A la suite de circonstances indépendantes de sa volonté, une jeune étudiante voit ses capacités intellectuelles se développer à l’infini. Elle « colonise » son cerveau, et acquiert des pouvoirs illimités.

 

[critique] Lucy : pourquoi tant de haine ?

LUCY vient de passer le cap des deux millions d’entrées après une première semaine exceptionnelle.

Il s’agit ainsi du meilleur démarrage première semaine d’un film réalisé par Luc Besson, avec une part de marché nationale de 40%.

Aux Etats-Unis, le film cumule 100M$ au cours de sa deuxième semaine d’exploitation.

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C
Je suis tout à fait d'accord avec le con mais j'avoue ne pas avoir trouvé le bon, je me suis ennuyée, j'ai beaucoup râlé, j'ai beaucoup ri aussi en repensant à Mozinor et son explication des scénarios de Besson mais je ne me suis pas amusée. Comment s'amuser face à un réalisateur qui nous prend autant pour des imbéciles? Purée, sa comparaison en début de film, avec la souris et les gazelles. Il m'a totalement perdue là.
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V
Passé le premier quart avec une montée en tension efficace malgré les grosses ficelles employées (dont tu en mentionnes quelques éléments), j'ai également été irrité par le ton général et la bêtise du scénario. M