Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Une chronique de Vance
Explorons encore l’univers de Cronenberg grâce à l’opportunité présentée dans ce Défi Cinéma. J’ai choisi de ne pas visionner Fast Company (même si grâce à Sypnos j’ai appris qu’il était trouvable dans un coffret) pour me concentrer sur celui-ci, le premier de ce défi que je connaissais.
Film n°3 : Chromosome 3
Titre original : the Brood (1979)
DVD zone 2, DVDY
1.85 : 1 – 16/9
VOST DD 2.0 ; 87 min
Un DVD ancien, doté d’une image aux couleurs un peu délavées mais au grain acceptable et à la définition surprenante. Le son est satisfaisant, très frontal cependant et la musique lancinante de Shore masque parfois certains bruits.
Résumé : Nola Carveth est une des patientes du Dr Raglan, un psychotérapeute particulier spécialisé dans les « projections psychoplasmiques », une forme d’extériorisation des colères refoulées qui perturbent l’esprit. L’ex-mari de Nola s’aperçoit un matin que sa fille, Candice, porte des traces de coups et de griffures, et soupçonne immédiatement Nola : il annonce qu’il refuse désormais que Candice voie sa mère et demande à sa belle-mère de s’occuper de la petite. Quelques heures plus tard, on retrouve la belle-mère assassinée sauvagement dans son appartement…
Chromosome 3 est de ces films qui vous hantent, quelles que soient leurs qualités intrinsèques, de ces films dont on ne peut guère proposer de résumé du scénario mais qui vous laissent des traces, comme autant de traumatismes d’enfance. De ces films d’horreur qui pullulaient alors mais qu’on ne pouvait pas aisément visionner, trop jeune pour le voir au cinéma. Quand enfin je pus m’y frotter, je n’en gardai qu’un sentiment trouble, une gêne, un malaise. Petit à petit, l’œuvre effectua son travail de sape, s’installa sur des bases arables et gagna les profondeurs de mes souvenirs.
Je le revis, quelques 15 années plus tard. Là aussi, étrangement, je ne puis en ressortir grand-chose d’autre qu’un indéfinissable inconfort : le film ne terrifie pas, mais il explore les frontières obscures d’un fantastique glauque. En revanche, deux scènes reparurent et se dévoilèrent nettement plus : l’agression de la maîtresse d’école par ces tueurs en tenues d’enfants, encapuchonnés, engoncés dans des anoraks fluos, au milieu des élèves de maternelle qui s’écrient puis sanglotent devant le cadavre ensanglanté de l’enseignante ; et puis la fin, la scène de la révélation, quand Samantha Eggar lève (littéralement) le voile sur ce qu’elle cache.
Avec le recul, et l’expérience, que puis-je à présent en dire ? The Brood (titre anglais trop révélateur auquel, pour une fois, je préfère la version française absconse), en effet, ne fait pas vraiment peur. S’il ne se prive pas d’étaler un peu de sang sur la pellicule, il n’en abuse pas non plus, se plaçant plutôt dans l’optique de Rage que de Frissons, beaucoup moins avare en gore. Sur un rythme lent, il joue plutôt la carte de l’angoisse, semant des pistes et tentant de distraire le spectateur par de violentes agressions inexpliquées. Cela dit, la source du mal est tout de même facilement découverte, pour peu qu’on prenne la peine d’associer A et B. Heureusement, le gentil papa chevelu de la petite Candice (avec cette coupe et ces cheveux blonds qui la rendent à la fois toute mignonne et inquiétante – le syndrome Village des Damnés, je n’y peux rien) se donne beaucoup de mal pour démêler cet écheveau, ne cherchant que la sécurité de sa fille. La confrontation finale, logique et attendue, bénéficie du coup d’un montage parallèle efficace, jouant sur une tension maximale et alternant silences et crises.
Replacé dans le contexte de ce Marathon, Chromosome 3 n’hérite pas, comme je l’aurais cru de prime abord, du titre d’œuvre la plus aboutie jusque lors. Certes, elle semble débarrassée de certaines scories (refus du sensationnalisme, mise en scène serrée, interprétation plus professionnelle, score plus fouillé) mais paraît également moins ambitieuse, un peu comme si le réalisateur répétait une dernière fois avant de sauter dans le grand bain. Bref, pas aussi passionnant que cela, mais un film de très bonne tenue, d’une facture plus élégante et plus maîtrisée que ses précédents, se démarquant du tout venant des séries B horrifiques par la recherche constante du malaise et du malsain plutôt que par la violence gratuite et l’hémoglobine à chaque plan. Et puis cette constance dans la thématique, les effets pervers de l’esprit sur la chair et les feedbacks incontrôlés.
Vivement Scanners, que je connais mieux encore !
Ma note : 3,6/5
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