Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Playtime
Un film de Jacques Tati (1967)
Genre : Comédie
Un blu-ray région B édité par BFI (Import U.K.)
format image : 1.85:1 original - 16/9
VO Française PCM 2.0 & Version Anglaise en PCM 2.0
Sous-titres anglais non imposés
L'histoire : les tribulations de M. Hulot dans un Paris de verre et de chrome...
Une chronique de Sypnos
Ce cru 1967 des aventures de M. Hulot m'a moins séduit que Les Vacances de M. Hulot : la faute à ses qualités manifestes. Un comble ! Et
pourtant…
Je m'explique. Avec Playtime, Tati explore Paris, ses buildings gigantesques tout de verre et d'acier. Il pose alors le regard sur ce monstre qu'est la
ville moderne. Un monstre énorme où l'être humain se perd dans des espaces aseptisés, carrés, géométriques et dépersonnalisés à outrance. Tout est fait ici pour noyer les personnages, les rendre
petits, insignifiants. Le regard de Hulot est donc ici bien plus dur que lors de ses précédentes tribulations.
Si le génie est toujours aux commandes avec un œil acéré et une critique toujours bien sentie et actuelle, la froideur de l'ensemble donne tout de même une atmosphère particulière au film. Encore
heureux que les situations comiques pleuvent et que Tati utilise à merveille son matériau de base en jouant sur les formes, les reflets, les silences et les sons. L'ambiance sonore rendue est
d’ailleurs encore une fois un petit bijou de mécanique huilée à la perfection.
J'ai particulièrement aimé les jeux que le réalisateur opère pour montrer un aspect moins dépersonnalisé de cette ville internationalisée qui perd son identité. J'aime alors le
fait que Tati, par petites touches, ramène le film à des dimensions humaines avec cette marchande de fleur très photogénique ou cette demande de réparation de lampe qui fait entrer un peu de
chaleur et de lumière dans un monde tout de gris vêtu.
Les autres scènes suivent cette même lignée et l'on retrouve un regard aiguisé tout le long du métrage.
Tati voit ce qu'il est en train d'advenir de la société et qui est encore aujourd'hui d'actualité. Comment ne pas reconnaître à Tati cette faculté qu'il a de brosser nos travers grâce à des idées
géniales comme ces appartements devenant vitrines de grand magasins et appartements témoins par la même occasion ? Comment ne pas reconnaître le génie derrière ce travail qui fait tout sauf
faciliter au spectateur la compréhenson de ce qu'il a devant lui ?
L'utilisation des images et des silences n'a jamais était aussi bien utilisée que dans cette séquences des appartements où les téléviseurs sont allumés... Comme Hitchcock, Tati
fait de nous des voyeurs en vis-à-vis, et ça marche...
Alors voilà, Playtime est une oeuvre extrêmement riche, lissée, racée où foisonnent les trouvailles mais le rythme et l'image glacée malgré ses qualités me dérange un peu car par rapport
à ma première découverte de son œuvre, j'ai trouvé que l'humanité transpirait moins...
Néanmoins un pari réussi pour son réalisateur, donc.
J'apprécie plus la dernière partie du film qui avec la soirée au nightclub nous montre tout les désagréments de son lancement en égratignant au passage pas mal de chose s et en nous offrant de
grand moments de rire non-sensiques (ou pas). Cette scène tombe à point nommé après la critique de Tati vis-à-vis de la mal-bouffe ou l'éclairage verdâtre du snack rend le teint des clients
présents maladifs au possible. Simple en apparence mais plus qu'efficace.
A noter également que comme dans les Vacances, on retrouve Hulot qui par le jeu des ciconstances va rencontrer une jeune femme que ce clown lunaire va séduire ; c'est cette jeune
femme qui ici encore offre un peu d'espoir et d'humanité à l'ensemble de ses congénères. Il reste du bon et du moins superficiel dans le coeur de certaines personnes... celles qui au sein de ce
monde savent rester simple et savent encore rêver.
Un très beau message que celui d'un rêveur qui essaie de voir, malgré un regard acide, de la beauté et de l'espoir dans ce qui l'entoure. Un très grand film mais qui n'est à mon sens pas si
facile d'accès que ça...
J'ai donc aimé m'y projeter. J'en ai ri, ai réfléchi à ce que j'avais devant les yeux et plus encore, j'ai retrouvé à la fois yeux d'enfants et pensées adultes sur pellicule...
Hulot toujours rêveur était toujours un enfant. Tati était devenu un adulte pleinement critique par rapport au monde qui l'entourait, un monde loin d'être encore fait pour les enfants... un monde
de verre et de paraître.
Retrouvons-nous, rapprochons-nous, restons simples, rêvons, aimons... Ne tuons surtout pas l'enfant en nous.
Technique
L'un des plus beau master qu'il m'ait été donnés de voir. C'est bien simple, pour moi il est du niveau de celui d'Avatar. Un degré de
détail hallucinant et une colorimétrie argentique sublime. Seul le tout début du film (générique) est granuleux et ne rend pas hommage à ce qui suit.
PCM stéréo de grande classe qui retranscrit le travail effectué avec brio. J'aurais juste aimé un peu plus d'ampleur mais c'est vraiment faire la fine bouche tant l'univers
sonore est riche.
Et il faut que je le revoie car je suis certainement passé à côté de plein de choses.