Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Un film de Hélène Cattet & Bruno Forzani (2009) avec Cassandra Forêt
Genre : Thriller / Giallo / Drame Psychologique
Un Blu-ray région B édité par Anchor Bay Entertainment (Import U.K.)
Film présenté au format 2.35:1 originel
VO Française (avec passages en italien) proposée en DTS-HD Master Audio 5.1 et PCM 2.0
Sous-titres Anglais non imposés
L'histoire : Suivez Ana à trois étapes de sa vie. Une vie emplie de violence, d'obsessions, de sexe et de meurtres...
Une chronique de Sypnos
Les insomnies ont parfois du bon. Certains films sont destinés à être vus dans le noir, à la lisière des rêves et des pires
cauchemars. On se doit alors de se laisser porter par leur rythme, leur ambiance.
Amer est un de ceux-là. Un film riche, un film fort, une claque comme je n'en avais pas reçu depuis le Martyrs de Pascal Laugier.
Attention : il y aura quelques spoilers dans ce qui va suivre !
Amer est un portrait noir, vitriolé, celui d'une femme à trois moments-clefs de sa vie.
Parfaitement imbriquées, ces trois "périodes" permettent aux réalisateurs de rendre hommage à un cinéma qu'ils aiment : le giallo (thriller transalpin où un tueur souvent ganté de noir et sujet à trauma commet des meurtres à l'arme blanche de manière violente et sexuelle).
Autant le dire tout de go, la première partie du métrage m'a littéralement fichu la chair de poule, ce qui devient assez rare dans le film de genre de nos jours, il faut bien l'avouer
[NDLR : je confirme !].
Fortement influencés par Argento et Bava en leur empruntant à la fois leur travail sur les dimensions biaisées (Suspiria) ou les éclairages à base de
couleurs primaires (Suspiria encore, Inferno ou bien encore Les Trois Visages De La Peur) , les élèves ultra doués de ces maîtres italiens ont en effet réussi à
synthétiser en une demi-heure les peurs inhérentes à l'enfance et à confronter leur héroïne à la mort, au sexe et aux tabous qui en découlent. Un tour de force en soi qui, non
seulement est mis en image avec ingéniosité et respect des codes mais s'appuie également sur une bande son empruntée aux classiques de la grande époque du Giallo et un bruitage aux petits oignons
quand il s’agit de créer l'angoisse et la peur... Un ravissement de cliquetis, de craquements et de gouttelettes d'eau s'écrasant sur le plancher ou la chair... Un délice de
sensations pour qui aime avoir peur.
La seconde partie insiste sur l'adolescence d'Ana et sur la découverte de son corps, de sa féminité. Loin de la photographie
sombre de la première partie, on a droit ici à des extérieurs brillants et colorés qui offrent un parfait contraste avec le début du métrage et permettent de continuer (suite à une transition
extrêmement esthétique et bien trouvée) de découvrir l'Ana adolescente dans toute sa beauté, toute sa sensualité qui s'éveille. Les réalisateurs en profiteront alors pour mieux
marquer la distance qui sépare alors la mère et la fille qui se sont éloignées l'une de l'autre suite aux événements mis en place dans la première partie. Sous l'oeil noir de sa mère (devenant
sorcière...) qui, elle, est en train de perdre le pouvoir qu'elle avait sur les hommes, et suite au regard que celle-ci porte sur sa fille, Ana fait un pas de plus vers ce qu'elle va
devenir...
Il est à noter que cette partie permet également de poser le rôle définitif des personnages masculins, qui de la représentation d'un enfant deviennent des hommes avec tout les dangers que cela
comporte par le parallèle d'un montage très habile (le jeu est alors remplacé par l'attraction sexuelle). Un travail d'orfèvre au profit d'un bijou noir, comme je l'écrivais plus tôt.
La troisième partie revient sur Ana adulte qui retourne dans la maison de son enfance et de son adolescence. Les réalisateurs insufflent alors ici encore plus de sensualité que
dans la seconde partie et tous les éléments entourant Ana qu'ils soient issus de la nature (les feuilles, le vent) ou non (la ceinture de sécurité) se font caressants, parfois dangereux mais
toujours filmés avec grâce et un toucher rare... jusqu'à ce que l'acte salisse Ana (la sève).
Reste alors à voir basculer Ana dans sa retenue face à ses sens, à ses désirs. Reste à la voir se débattre contre ses instincts
et tenter d'étouffer dans l'œuf ce qui attise son corps, sa peau, ce désir qui pourrait aller jusqu'à des désirs violents synthétisés par un chauffeur de taxi peu bavard et
aimant les gants de cuir. Un danger animal, masculin. Encore une fois...
Et de là voir Ana arpenter de nouveau cette maison en ruine, abîmée comme l'est sa psyché. Nous allons alors la suivre dans sa tentative à y vivre en faisant fi de ce feu, de ces envies qui
poussent un mystérieux assassin à la punir pour ce qu'elle ose rêver, pour ces caresses qu'elle imagine et se donne...
La fin du métrage arrive alors comme un point d'orgue tout aussi sensible, tout aussi sensuel et morbide et fini par nous donner LE dernier coup. Quand de la mort, l'image transcende la beauté et
la sensualité...
Un film fou, un film amer, dur et magnifiquement beau à la fois. Amer est une expérience qui laisse un sale goût dans la bouche et les rétines explosés de couleurs
tandis que notre cœur se serre pour Ana... Un pari fou, un pari gagné. Le Giallo n'est pas mort, il est ici magnifié.
Technique
Un master de toute beauté au grain de pellicule fin et aux couleurs et détails particulièrement bien rendus. Les noirs auraient peut être pu être plus solides mais les contrastes
sont sublimes et la photographie exceptionnelle est véritablement superbement rendue. Du très bon boulot de la part d'Anchor Bay même si quelques petits défauts
de compression peuvent se faire ressentir à un ou deux endroits.
Les pistes son posent avec délice les effets sonores et les B.O. toutes issues de Giallos des années 60-70 avec une belle dynamique. Les rares dialogues ressortent bien ...
Bonus
Les 4 précédents courts-métrages des réalisateurs : de petites perles déjà inspirées et riches des meilleures intentions face au genre.
Ma note : 8,5/10.
Plus qu'amplement mérité.