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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] le Parfum : histoire d'un meurtrier

[critique] le Parfum : histoire d'un meurtrier

Essayer d'adapter l'inadaptable au cinéma est toujours un pari risqué, souvent un échec retentissant et parfois la révélation d'un vrai talent du cinéma, capable de transcender les genres et dynamiter les codes. L'auteur du roman, réticent pendant longtemps à l'idée de céder les droits pour le cinéma, ne pensait d'ailleurs qu'à Stanley Kubrick pour y parvenir ; Milos Forman et Martin Scorsese s'y seraient intéressés. Si l'on dépasse le regret habituel des amoureux du livre qui crient immédiatement à la trahison, qu'en est-il de cette gageure ?

On retiendra d'abord du film son casting étonnant, avec deux acteurs habitués au cabotinage (Dustin Hoffman et Alan Rickman) et une future révélation (Ben Whishaw, encore un peu tendre mais déjà fascinant. En dépit d'un manque total d'identification au personnage (qui s'avère n'être qu'une sorte de mutant marqué par le Destin) et d'une fin pas bien maîtrisée (la première est trop longue, la dernière fin est expédiée), la qualité de la reconstitution historique vaut le détour, ne serait-ce que par la texture particulière donnée à la photographie et à une certaine virtuosité dans le cadrage.

C'est un film osé, voire culotté, qui réussit en grande partie son pari : transposer à l'écran un roman réputé intransposable. Au lieu d'appuyer sur le potentiel humoristique de certaines scènes (la mort du tanneur ou de Baldini), Tykwer choisit de traiter l'histoire avec sérieux, méticulosité et application. Il ne s'épargne ni les détails un peu gore, ni les tics didactiques (avec la voix off redondante de John Hurt) pour nous entraîner dans ce périple dont on ne saisit pas toujours les motivations. Pour peu qu'on entre dans cette histoire dramatico-fantasmagorique, on suit avec avidité les tribulations d'un être hors du commun en quête d'Absolu. Pour cela, il faut tout de même parvenir à être dupe du procédé. Ce ne fut pas mon cas : Grenouille n'est ni monstrueux, ni pathétique, juste un homme pas ordinaire. Du coup, ses motivations sont nébuleuses (pourquoi bute-t-il d'autres femmes alors que visiblement les rousses l'attirent davantage ? s'il est de fait qu'elles perdent leur parfum à leur mort, pourquoi les tuer et ne pas chercher à saisir leur essence de leur vivant ?), ses interrogations manquent de conviction et les petits défauts ressortent davantage (comment survit-il dans son périple à travers la France, à pied, et par deux fois ? comment peut-il conserver un flacon de parfum dans sa cellule ?). Je suis certain que je n'y aurais pas fait attention si j'avais pu être mieux concerné par sa quête.

Toutefois, je n'y ai pas trouvé de longueurs, malgré une durée supérieure à la normale. Et c'est suffisamment bien réalisé, cadré et éclairé pour qu'on s'y attarde, d'autant que la musique est splendide (interprétée par le Berliner Philarmoniker je crois) sur des compositions du réalisateur (un touche à tout qui saura séduire les Wachowski) et qu'on ne peut qu'être subjugué par la troublante beauté de Rachel Hurd-Wood

 

Souvent fascinant mais rarement passionnant. Une gageure qui mérite d'être vue. 

 

 

 

Titre original

Perfume : the Story of a murderer

Réalisation 

Tom Tykwer

Date de sortie

4 octobre 2006 avec Metropolitan

Scénario 

Tom Tykwer, Andrew Birkin et Bernd Eichinger d'après le roman de Patrick Süskind

Distribution

Dustin Hoffman, Ben Whishaw, Rachel Hurd-Wood & Alan Rickman

Photographie

Frank Griebe

Musique

Tom Tykwer, Reinhold Heil & Johnny Klimek

Support & durée

35 mm en 2.35:1 / 147 min

 

 

Synopsis : En 1744 naît dans la misère Jean-Baptiste Grenouille, être maladif, voué à disparaître tôt sur cette terre sans pitié pour les gens de son statut. Pourtant, il grandira, développant une résistance hors du commun et surtout un don particulier : Grenouille dispose d’un odorat incomparable, qui va très vite le mettre en quête des parfums et senteurs les plus exotiques. Une recherche de l’absolu qui deviendra une passion, et que rien ne pourra entraver…

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V
Ah j'oubliais : merci pour la coquille ! Je suis pourtant vigilant !
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V
Oui, j'y tiens, je pense qu'il y a cabotinage et cabotinage. Par exemple, Jack Nicholson ne fait que ça, et j'avais tendance à penser que le bel Alan aussi - cependant, il m'a bluffé dans Love Actually, tout en retenue. Et je pense que tu peux me trouver d'autres rôles où il ne met pas sa personnalité en avant, mais se met dans la peau d'un personnage. Le fait est que le cabotinage peut être insupportable, lorsque la personnalité de l'acteur écrase celle de son personnage, et par là même tout le film (exemple Nicholson dans Batman). Hoffman cabotine à mort dans Jeanne d'Arc, pourtant je le trouve génial. Et Rickman dans Piège de Cristal ou surtout dans Robin des Bois nous fait deux numéros exceptionnels - heureusement qu'en face il y avait Willis et Morgan Freeman pour compenser.<br />  <br />  
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D
99 % d'accord avec toi (le 1 % restant, c'est pour le cabotinage !)<br /> J'avais adoré le livre, à l'époque de sa sortie et j'attendai beaucoup du film. Si j'ai aimé la reconstitution d'époque et certaines scènes prises séparément (la scène de l'auberge par exemple, le réveil au matin, après le rapt de la jeune fille, la prestation de Dustin Hoffmann également ) , l'ensemble n'est pas une totale réussite et beaucoup d'invraisemblances et d'omission, m'ont laissé un goût d'inachevé...
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