Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Se voulant une très libre adaptation de la Tempête de Shakespeare dans une ambiance futuriste, Planète interdite se révèle comme un film extraordinaire, sans doute l’un des meilleurs représentants de
Ni primaire, ni ridicule, le métrage témoigne aisément de la volonté de la production d'avoir tout fait pour porter à l’écran certaines des préoccupations de l’époque, que les grands auteurs de SF transcrivaient déjà dans les romans devenus des classiques. On voit ainsi grâce aux scènes coupées qu’elle n’a pas hésité à supprimer tout ce qui pouvait trahir la volonté de faire un film sérieux, notamment les effets spéciaux un peu trop voyants. Le résultat est bluffant et, le rythme mis à part (le milieu est plutôt mou et l’ensemble est un peu bavard par rapport aux standards actuels), le film demeure une réussite totale. Il suffit de voir le souci de précision dans les manœuvres spatiales (avec un jargon, des tenues, un décor et des effets qui préfigurent Star Trek : les plots de décélération ressemblent à s’y méprendre aux salles de téléportation) et la description d’un univers cohérent (avec un mini-chronologie en voix off et la mention d’une Fédération de planètes). En outre, et malgré quelques répliques humoristiques, les acteurs respectent le cahier des charges. On peut en dire autant pour les mattes de paysages sublimes ou les différents gadgets - toute la direction artistique en somme.
Mais Planète interdite jouit en outre de la présence de Robbie le robot, à la fois garde du corps tout puissant et majordome stylé, pouvant synthétiser n’importe quelle matière (cf. encore Star Trek) mais incapable de porter atteinte à un être humain (les Trois Lois de
Le scénario, bien plus profond qu’il n’en a l’air, s’appuie non seulement sur le thème des civilisations disparues mais également sur la psychanalyse. Sans être rebutant, c’est réalisé de façon éclairée avec une alternance de scènes légères (les leçons de séduction d’Altaïra, Robbie et le cuistot), de séquences explicatives (la découverte de l’héritage des Krells) et d’autres nettement plus sombres et dramatiques (les différentes attaques de la « Bête » invisible). L’emploi d’une musique exclusivement électronique – composée essentiellement à base de bruitages – renforce le côté oppressant : là encore, un pari osé mais une réussite majeure du couple Louis & Bebe Baron.
Reste la restauration, qu'on pouvait éventuellement craindre - et c’est miraculeux : les images sont claires et bien contrastées (malgré de nombreuses scènes nocturnes), les couleurs éclatantes. Le remix 5.1 est une découverte : il permet aux sonorités grinçantes de
Pour conclure, les bonus à foison appuient encore cette impression d’être devant une œuvre aboutie, juste, pertinente et témoignant d’une SF adulte et non pas prétexte à montrer des extraterrestres glauques et des savants fous : à la fois hommage aux pulps et film de genre ultime, Planète interdite demeurera une référence absolue, à mi-chemin entre les œuvres hard science (2001, l’Odyssée de l’Espace) et une SF plus légère et souvent galvaudée.
A voir absolument.
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Titre original |
Forbidden Planet |
Mise en scène |
Fred McLeod Wilcox |
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Date de sortie |
24 avril 1957 avec Madadayo Films |
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Scénario |
Hume, Block & Adler |
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Distribution |
Leslie Nielsen, Walter Pidgeon & Anne Francis |
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Photographie |
George J. Folsey |
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Musique |
Louis & Bebe Baron |
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Support & durée |
DVD Warner (2006) édition 50e anniversaire zone 1 / 98 minutes |
Synopsis : Un croiseur fédéré entre dans le système d’Altaïr avec pour mission de récupérer l’équipage du Bellerophon, vaisseau dont on n’a plus de nouvelles. Ils ne trouveront qu’un unique survivant, le Dr Morbius, qui réside seul avec sa fille sur une planète mystérieuse sur laquelle rôde une force inquiétante. Le problème est qu’il refuse de repartir sur Terre, tout en priant ses « sauveteurs » de repartir avant qu’il n’arrive malheur. Mais le Commander Adams, séduit par la jeune Altaïra, n’aura de cesse de découvrir ce qui se cache en ce monde inconnu…