Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Ce film m’avait terrorisé quand j’étais gosse, au point que je n’en avais pas voulu voir la fin. A travers cette séance cathartique, je me suis posé la question de savoir ce qui avait bien pu me faire si peur… La question de la mort, sans doute. Son inéluctabilité, que sir Cunningham cherche à réfuter en tentant l’impossible. Seulement, à vouloir jouer au Démiurge, on oublie sa propre condition humaine. Ce film demeure intéressant sur le fond, avec cette réflexion sur la science et ses limites éthiques qui rappelle celle qu’on peut lire en filigrane dans le mythe de Frankenstein, mais aussi avec cette mise en avant d’une vogue typiquement victorienne des phénomènes paranormaux (sir Cunningham est membre d’une société d’études psychiques). Seulement, ici, ce n’est pas un monstre qu’on veut créer, ce n’est pas la vie qu’on veut insuffler, mais tout le contraire : empêcher la Mort de faire son œuvre. Rendre immortel. Et avec cela, le pouvoir et la connaissance qui vont de pair…
Dans une ambiance vaguement gothique et un style assez proche des films de la Hammer, on assiste à un spectacle curieux, parfois prenant, parfois pontifiant, au travers d’une réalisation méthodique souffrant d’un montage à la hache, de raccords ratés et de dialogues lénifiants. A noter une ouverture et un épilogue se déroulant à l’époque contemporaine. Le jeu des acteurs hésite entre conviction (Robert Stephens, dans le premier rôle, passe d’une attitude de lord décontracté à celle de savant fou irascible sans aucune nuance) et transparence. Les décors sont rares et les effets spéciaux laissent perplexes (l’animation de l’Asphyx, si elle relevait d’un pari osé à l’époque, est franchement risible aujourd’hui). La bande son sauve les meubles, avec quelques bruitages entretenant le malaise. Pas de gore, pas de frayeur, mais quelques sursauts de bon aloi. Et cette lancinante question de la justification des actes qui conduisent à tous ces drames. Qu’on croie ou non au Destin, il est de fait que jouer à être Dieu n’est pas de tout repos…
Sympathique expérience, film intriguant, bien qu’on soit loin du « petit bijou d’horreur gothique et métaphysique » vanté par la jaquette…
Les images du DVD à ma disposition ont été nettoyées mais portent encore les stigmates du passé (peu de griffures mais quelques rayures verticales notables). L’ensemble porte en outre une certaine patine, comme un voile gris terne – à l’image des brouillards londoniens. Le contraste n’est pas très bon et cela saute aux yeux dans les scènes de couloirs sombres. Les couleurs sont très peu marquées mais confèrent un certain cachet à l’œuvre ; en revanche, leur tonalité varie parfois. A noter une hésitation après le changement de couche, au chapitre suivant, avec un gel de l’image très bref qui fait ressortir un mauvais raccord. D’autre part, et le pire, c’est le recadrage manifeste : les scènes de dialogue le montrent formellement ; alors que la composition des plans est soignée, la plupart des interlocuteurs se trouvent hors-champ, ce qui est inadmissible. Après recherche, il s’avère qu’en fait le film a été tourné en TODD-AO 2.35, recadré en 1.77. Les amateurs de format respecté devront se tourner (à condition de ne pas rechercher de VF à tout prix) vers le zone 1 édité en 1997 par All Day Entertainement.
La VF, vaguement synchrone avec le mouvement des lèvres mais respectueuse des prononciations, est assez pénible : nasillarde, fluctuante, elle change parfois de tonalité dans le même dialogue. La VO permet d’apporter plus d’apaisement, plus de profondeur aux voix (après tout, celle de Stephens est agréable) et fait ressortir les effets sonores et les cris ainsi que la musique symphonique doucereuse. L’intérêt de la piste 5.1 éditée par Anchor Bay est néanmoins discutable.
Le menu est très mignon, orné de petites plantes grimpantes qui font un peu art déco ; cela dit, c’est bien loin de coller à l’ambiance du film. Pas de commentaire, ni de documentaire, mais quelques fiches techniques et une galerie de photos.
Le boîtier est un Amaray simple transparent de très bonne facture. La jaquette est assez laide, mais le dos comporte plein d’indications (présentation, résumé, photos) fort lisibles. Le verso, visible à l’intérieur par transparence, présente une autre jaquette avec l’ancien visuel, nettement plus fort, et une sélection de photos différentes. Comme pour les Infinifilms canadiens en z1, elle est donc réversible. La sérigraphie soignée reprend le visuel moderne de la jaquette, la nomenclature étant presque exclusivement concentrée sur une bande extérieure.
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Titre original |
The Asphyx |
Réalisation |
Peter Newbrook |
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Date de sortie |
février 1973 aux USA avec PAragon Films |
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Scénario |
Christina & Laurence Beers |
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Distribution |
Robert Powell & Robert Stephens |
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Photographie |
Freddie Young |
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Musique |
Bill McGuffie |
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Support & durée |
DVD NeoPublishing (2006) zone 2 en 1.77:1 (recadré)/ 99 min |
Synopsis : A la fin du XIXe siècle, en Angleterre, sir Hugo Cunningham, philanthrope cultive et fortuné, se livre à un drôle de passe-temps : il photographie les mourants. En effet, depuis peu, il a découvert avec un collègue une tache sombre ornant le cliché des personnes qui rendaient leur dernier soupir. A la suite d’un drame familial, ses recherches vont prendre un tour plus passionné : il est en effet persuadé que ce qu’il a photographié n’est autre que l’Ange de la mort, cet esprit qui vient emporter l’âme du défunt. Il se dit alors qu’il lui suffit de le capturer pour accéder à l’immortalité…