Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Le dernier film du MCU (le trente-sixième) a la lourde tâche de tenter de conserver l’intérêt d’un public blasé avant le coup de poker que constituera l’arrivée conjointe des FF et des X-Men. Pari réussi ?
RÉSUMÉ : Dans un monde en plein désarroi après la séparation des Avengers, Yelena trompe son mal-être existentiel en acceptant de petits boulots de mercenaire pour le compte de Valentina de Fontaine, richissime femme d’affaires qui tente d’éliminer les preuves de ses expériences génétiques discutables visant à créer des surhommes. Au cours d’une ultime mission, Yelena se retrouve piégée dans un laboratoire secret en compagnie d’autres assassins payés pour la supprimer… et Bob.
Le projet n’est pas si récent et a dû recourir à plusieurs réécritures, changement de casting et une grève par-dessus le marché. Au départ, il ressemblait davantage à une suite du film Black Widow, mais, heureusement, on a accordé plus de place aux autres protagonistes. Heureusement car depuis la fin de la phase précédente, pas grand-chose d’intéressant n’était sorti du MCU (même si on accordera un bon point au dernier volet des Gardiens de la Galaxie pour sa charge émotionnelle) : des films manquant d’ambition, souvent laids, aux dialogues poussifs et aux enjeux éculés. Incapables de passionner voire même de simplement divertir, ils se reposaient la plupart du temps sur un humour bas de gamme avec running gags souvent pathétiques.
Proposer une resucée avérée de Suicide Squad ne constituait donc pas la meilleure initiative, mais les producteurs se sont appliqués à corriger certaines de leurs bévues passées afin de s’atteler à ce projet. En effet, l’équipe originelle des Thunderbolts apparaît après la disparition des Avengers suite aux événements d’Onslaught. Kurt Busiek a eu la riche idée d’imaginer un groupe de super-héros providentiels qui s’avèrent être en réalité d’anciens criminels dont le leader poursuit un plan de vengeance. Les circonstances dans le MCU sont similaires : plus d’Avengers, la place est laissée libre. Toutefois le groupe ne se constituera pas sous l’impulsion d’un chef ayant des visées cachées, mais plutôt dans une suite d’événements qui vont mettre en présence des losers, d’anciens héros tombés dans l’oubli, d’autres qui tentent de retrouver une vie décente, d’autres encore qui ne savent pas quoi faire malgré d’évidentes aptitudes surhumaines.
Là-dessus, survient Valentina. Brillamment interprétée par Julia Louis-Dreyfus, elle incarne une femme ambitieuse directrice de la CIA le jour et entrepreneuse visant à créer des surhommes et de s’en servir pour se hisser à la tête de l’État la nuit : le monde a besoin de sauveurs, elle est prête à le lui fournir – mais avec des contreparties sonnantes et trébuchantes. Les lecteurs ou spectateurs de the Boys auront vite fait le rapprochement avec la société Vought. Il est clair que les scénaristes surfent sur la vague et piochent un peu partout. Néanmoins, ils ont eu le bon goût d’axer le film sur les personnages en eux-mêmes en leur laissant la place de se développer : si le Taskmaster ne fait qu’une brève apparition et qu’on n’apprendra pas grand-chose du Fantôme, US Agent, Bucky Barnes et le Red Guardian ont droit à quelques scènes plus ou moins réussies, tandis que Yelena Belova tire la couverture à elle tant Florence Pugh irradie à l’écran. Le passé de la nouvelle Black Widow occupe une place capitale dans l’intrigue et créera les bases de sa relation avec l’inconnu, Bob, qui se retrouve au milieu de tout ce beau monde dans un laboratoire bourré de secrets inavouables.
Cette première partie s’avère la plus réussie car elle parvient à prendre à rebours certaines des attentes des spectateurs les plus aguerris, et le combat qui s’ensuit entre les mercenaires est aussi jubilatoire que drôle (chacun a sa propre cible mais personne ne sait quoi faire de Bob, le chien dans ce jeu de quilles). Après force gnons et techniques d’arts martiaux, ces tueurs finissent par se rendre compte qu’ils sont tous coincés dans ce lieu destiné à être réduit en cendres : bon an mal an, il leur faudra s’épauler pour espérer survivre à cette incinération. Là encore, que faire de ce Bob un peu gauche, complètement paumé et dont les souvenirs sont trop vagues pour être d’une quelconque utilité ? C’est Yelena qui le prend sous son aile, touchée par son innocence. Et lorsque Valentina, découvrant leur survie, voudra absolument mettre la main sur cet inconnu, leurs objectifs changeront du tout au tout, pour le plus grand bonheur du Red Guardian qui les a rejoints…
La seconde partie du film, avec le groupe qui finit par se former dans le but de retrouver Bob, rentre davantage dans les cases habituelles. Les lecteurs de Marvel auront déjà compris quelle serait la menace qui pèsera sur le monde, les autres la découvriront bien assez tôt. Là-dessus, le pari était encore plus risqué car il s’agit d’un personnage extrêmement difficile à gérer ; on bascule d’ailleurs davantage dans les Dark Avengers, et certaines scènes de « tuerie » (regardez la bande-annonce) sont assez impressionnantes. L’entraide, la solidarité, l’empathie deviendront des atouts majeurs dans une histoire étonnamment naïve et pleine de bons sentiments, dépourvue de ce cynisme qui empesait les films de super-héros jusque lors. Certes, les dialogues traînent un peu mais ils ont perdu beaucoup de cette lourdeur qui plombait les séquences de la plupart des films de DC ou du MCU. Le rythme s’avère agréable et l’humour semble avoir été tamisé (même si la scène post-générique permet à l’équipe de se lâcher complètement) de manière à ne pas inonder le reste du métrage.
La classe de Sebastian Stan, la jubilation de David Harbour et les hésitations de Lewis Pullman (qui rejoue un personnage nommé Bob après Top Gun : Maverick) apportent beaucoup à ce film à la bande originale oubliable mais qui jouit de prises de vue osées, avec une utilisation judicieuse du God’s Eye.
Au final, une œuvre inégale, souvent maladroite mais qui convainc par sa sincérité et ses personnages un peu cassés unis pour la bonne cause. Le générique de fin qui reprend des affiches et couvertures célèbres est une réussite absolue, et la scène post-générique annonce avec un certain style old school la prochaine équipe de super-héros, sur laquelle reposent bon nombre des espoirs des dirigeants de Marvel.
Titre original |
Thunderbolts* |
Date de sortie en salles |
30 avril 2025 avec Walt Disney Company |
Date de sortie en vidéo |
|
Réalisation |
Jake Schreier |
Distribution |
Florence Pugh, Sebastian Stan, Julia Louis-Dreyfus, David Harbour, Lewis Pullman & Olga Kurykenko |
Scénario |
Eric Pearson & Joanna Calo d’après les personnages créés par Kurt Busiek |
Photographie |
Andrew Droz Palermo |
Musique |
Son Lux |
Support & durée |
35 mm en 2.39 :1 /126 min |