Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Un film qui a tardé à se concrétiser, prévu au départ pour Hugh Jackman via sa société de production puis retardé encore et encore, sachant qu’il est au départ un remake d’un précédent opus adapté du roman de l’auteur Robert Littell, spécialisé dans l’espionnage post-guerre froide. C’est finalement Rami Malek, choisi après son rôle dans No Time to die, qui incarne le nerd qui se transforme en agent secret.
RÉSUMÉ : Charlie Heller est un décodeur brillant, mais profondément introverti de la CIA qui travaille dans un bureau au sous-sol du quartier général de Langley. Sa vie est bouleversée lorsque sa femme est tuée dans un attentat terroriste à Londres.
Tous les ingrédients des grandes sagas d’espionnage sont réunis ici :
Cela pourrait être un énième épisode de Jason Bourne, James Bond où Mission : Impossible. Sauf que… le personnage principal, autour duquel l’essentiel du script va tourner (la caméra ne le lâche guère), n’est pas du tout agent de terrain : Charlie est un surdoué de l’informatique, certes, mais il vit replié sur lui, n’a pas vraiment d’amis en dehors de quelques collègues du même service et ses traits autistiques l’empêchent de sociabiliser. Heureusement, il s’est trouvé une femme qui l’aime et qu’il adore et son décès à Londres lors d’une prise d’otages va le plonger dans les affres du désespoir… avant qu’il réagisse et décide d’agir. D’abord sa motivation est tout à fait légitime : les coupables doivent être appréhendés. Or, n’est-ce pas la mission première de la CIA pour laquelle il travaille ? Devant la passivité supposée de l’agence, il prend les devants et fournit, grâce à sa connaissance approfondie des systèmes de surveillance (et l’aide des caméras de sécurité qui abondent dans la capitale britannique), tous les renseignements nécessaires à l’arrestation des criminels. C’est là qu’il se heurte à un mur : ses supérieurs lui font comprendre qu’ils connaissent déjà les individus recherchés, mais qu’ils courent après de plus gros lièvres. En bref : « Vous êtes gentils mais laissez-nous faire notre boulot et prenez du repos, vous en avez besoin. »
Piqué au vif, Charlie se décide à opter pour des mesures plus drastiques : en tant que décodeur, voyez-vous, il a eu accès à des documents ultra-confidentiels qui lui permettent d’avoir un moyen de pression non négligeable sur les chefs de service. Tout ce qu’il veut, c’est une formation accélérée d’agent de terrain afin de pouvoir exercer sa juste vengeance. Mais quand bien même…. Comme le lui fait remarquer le colonel chargé de son entraînement (Laurence Fishburne, très convaincant et plutôt alerte pour son âge), il n’a pas la carrure, physique ou mentale, pour ce job – et surtout il sera incapable de presser sur la détente le moment venu, même à bout portant.
C’est mal compter sur sa résolution : Charlie n’a plus rien à perdre, et son intelligence supérieure lui donnera quelques heures d’avance sur sa hiérarchie, le temps de disparaître des radars et d’entamer sa quête vengeresse.
Le plus intéressant dans le film ne sera donc pas les éléments rapportés plus haut, vus déjà de nombreuses fois dans des productions de grande envergure, mais plutôt l’état d’esprit dans lequel évolue un Charlie rongé par le doute : lorsqu’il sera en face des criminels qu’il poursuit, sera-t-il capable de mettre ses menaces à exécution ? Tuer un homme (ou une femme), même s’il le mérite (ce qui pose d’autres questions qui seront vite balayées dans le film), n’est pas une mince affaire : meurtre, assassinat ou exécution, le fait d’ôter la vie sciemment laisse une trace indélébile sur la psyché du perpétrateur. Il n’y pense cependant pas, seule compte la justice à rendre à la mémoire de sa femme – qu’elle ne soit pas morte pour rien.
Malek est le candidat idéal pour le rôle : encore plus malingre que dans Bohemian Rhapsody, presque souffreteux, il campe un Charlie hésitant, tremblant, dont le visage mouvant reflète un maëlstrom d’émotions contradictoires (même s’il semble avoir du mal à exprimer sa profonde tristesse). Il faut le voir pointer un flingue vers sa première cible, dans le dos, en proie à de terribles doutes sur la finalité de son action. Et il finit par comprendre qu’il lui faut opter pour d’autres moyens d’action, plus indirects – pour lesquels il dispose de compétences non négligeables, et de l’appui d’un lanceur d’alertes qu’il soupçonne d’être basé en Turquie.
Le film se suit du coup sans déplaisir, grâce à un rythme enlevé et ses délocalisations brutales : rien ne vaut le tournage sur site ! Les boulevards de Paris ou les ruelles de Marseille et ses discothèques bondées sont des sites délicieusement propices à des séquences d’action dynamiques. On tiquera en revanche sur le montage qui semble parfois heurté, et donne l’impression d’éluder des éléments, et d’ôter un peu de vraisemblance dans l’enchaînement des séquences. On remarquera que le personnage de Jon Bernthal, par exemple, ne sert strictement à rien, contrairement à ce que la bande-annonce paraissait annoncer.
Pas de quoi bouder son plaisir, juste une ombre à un tableau satisfaisant doté de rebondissements certes attendus mais amenés avec souplesse et efficacité.
Titre original |
The Amateur |
Date de sortie en salles |
9 avril 2025 avec 20th Century Studios |
Date de sortie en vidéo |
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Réalisation |
James Hawes |
Distribution |
Rami Malek, Laurence Fishburne, Rachel Brosnahan, Jon Bernthal, Julianne Nicholson & Holt McCallany |
Scénario |
Ken Nolan & Gary Spinelli d’après le livre de Robert Littell |
Photographie |
Martin Ruhe |
Musique |
Volker Bertelmann |
Support & durée |
35 mm en 2.39 :1 / 123 min |