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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

Flag Day

Flag Day

Encore une autre découverte du Festival de Cannes 2021 aujourd’hui : Flag Day de et avec Sean Penn vient de sortir sur les supports vidéos et VOD habituels et nous donne l’occasion de revenir sur cette œuvre qui était fort attendue sur la Croisette, en a déçu plusieurs et rassuré quelques-uns.

 

Synopsis : John Vogel était un personnage hors norme. Enfant, sa fille Jennifer s’émerveillait de son magnétisme et de sa capacité à faire de la vie une grande aventure. Il lui a beaucoup appris sur l’amour et la joie, mais elle va découvrir sa vie secrète de braqueur de banques et faussaire. Tiré d’une histoire vraie, FLAG DAY est le portrait d’une jeune femme luttant pour guérir des blessures de son passé, tout en reconstruisant sa relation père-fille.

En choisissant de mettre en scène le scénario plusieurs fois récrit (les droits en avaient été acquis depuis plus de quinze ans) racontant à travers les yeux de sa fille l’histoire de John Vogel, le réalisateur d’Into the Wild semble avoir retrouvé le mordant et l’instinct de son Indian Runner.  Tourné en 16 mm au cœur du Manitoba (une province canadienne dont les paysages se rapprochent au maximum de la région de Minneapolis des années 70 et 80), systématiquement en décors réels, enveloppé de couleurs légèrement désaturées lui donnant un aspect un tantinet vieillot estampillé nostalgique, accompagné d’une sélection de chansons originales percutantes se mariant à merveille à un score incorporant du Chopin, Flag Day se regarde placidement et avec une émotion contenue, comme on parcourt les pages d’un vieil album photo aux pages jaunies.

Flag Day

Le film s’ouvre par une de ces courses-poursuites spectaculaires qui font le bonheur des amateurs : hélico et horde de voitures en chasse derrière un malfrat. On saute immédiatement au commissariat où Jennifer est emmenée afin qu’on lui parle de son père, qui était justement le malfrat en question : on lui révèle qu’il était à la tête d’une organisation de faux-monnayeurs et qu’il avait produit plusieurs millions de dollars contrefaits. La Marshall (vous ne rêvez pas : c’est bien Regina King, la DRH dans Big Bang Theory, mais aussi Trudy dans the Harder they fall) qui avait d’abord opté pour un ton sévère, se radoucit ensuite, compréhensive face aux tourments agitant l’esprit de la jeune fille en face d’elle, qui semble se perdre dans un rêve peuplé de souvenirs, ceux qu’elle a vécus aux côtés de ce père plus grand que la vie, pour lequel elle a toujours eu une adoration qui s’est peu à peu teintée d’amertume.

Flag Day

Et au son de sa voix légèrement grinçante, cette creaky voice caractéristique des teens d’aujourd’hui (et qui en agace plus d’un), Jennifer nous relate les expériences qu’elle a vécues auprès de son père tant aimé, depuis l’installation dans une vieille ferme avec son petit frère et sa mère, qu’ils ont retapée pendant tout un été sans qu’il en ait les moyens avant que, sur un coup de tête qu’elle ne comprendra que beaucoup plus tard, il ne laisse tout tomber, quitte sa famille en laissant deux enfants abasourdis et une femme trahie qui noiera son chagrin dans l’alcool.

Et si l’histoire semble centrée sur John, on suivra au contraire les tribulations de Jennifer au travers de ces souvenirs intenses, ponctués de retrouvailles et de déchirures. Comme son point de vue prévaut, on ne saura pas grand chose des activités auxquelles se livre ce père en apparence idéal, qui s’affranchit des codes et fait vivre à ses enfants, lorsqu’il est avec eux, des moments inoubliables, mais qui les quitte et les laisse retourner chez leur mère dès qu’il se retrouve en difficulté (traites impayées, dettes massives). Elle grandira, envers et contre tout, brisant les codes dès son adolescence, en rébellion contre une mère qui s’accroche elle aussi comme elle peut à la vie et ne saura pas la comprendre dans ses afflictions, incapable de la protéger d’un beau-père trop empressé. Et si elle adore son petit-frère, elle finira tout de même par s’envoler et arpenter les routes, à la recherche d’elle-même, puis en quête de ce père dont elle refuse de croire qu’il soit perdu pour le système.

Flag Day

L’occasion pour Sean Penn de sillonner les chemins de traverse de cette Amérique profonde dont il magnifie les clichés dans cette ère post-reaganienne où la jeunesse se cherche de nouveaux principes de vie, où les esprits se radicalisent mais où, malgré tout, car c’est l’Amérique, tout reste possible. Sans doute ce qu’elle se dit lorsqu’elle tente une ultime fois de redresser le destin de John, le contraignant pour l’amour d’elle à tout reprendre à zéro (a fresh start, serine-t-elle), à chercher un boulot honnête et à ne plus mentir à son entourage.

C’est dans cette relation singulière avec un père idéalisé pour lequel ses yeux de Chimène s’évertuent à ne voir que le positif, dans cette tendre complicité parfois orageuse qui les lie, que le métrage propose les moments les plus forts, transposant à l’écran un lien similaire unissant Sean à sa fille Dylan, qui interprète Jennifer jeune puis adulte, et montre un talent certain qui ne demande qu’à s’émanciper de quelques automatismes de jeu redondants. Autour d’eux, et malgré un casting imposant, les êtres ont du mal à exister : Nick, le petit frère tout mignon, campé par le fils de Sean Penn une fois adulte (une affaire de famille, on vous dit !), ne parvient jamais à s’imposer. On aurait également souhaité en voir davantage de Katheryn Winnick, mère débordée, femme aimante puis soumise puis rangée, plutôt convaincante dans un rôle où elle n’a pas à distribuer coups de poing et high kicks. Josh Brolin, le gentil tonton, n’intervient en sauveur de la famille que deux fois, et Eddie Marsan est encore plus anecdotique. On soulignera toutefois la justesse du jeu des deux enfants (donc Jennifer et Nick dans les années 70), parfaits.

Quant à Sean Penn, il apparaît tel un ouragan, dévaste l’écran comme il emplit les souvenirs de ses gosses, avec ses colères et ses larmes branchées sur le mode « toujours plus ». Il colle en cela magnifiquement aux propos en voix off de Jennifer, dans le rôle d’un père qui proposera toujours force surprises, découvertes et joies extrêmes à des enfants qui ne demandent qu’à croire les inepties qu’il raconte, les excuses qu’il brode. Dans cette paternité toxique, chacun y a laissé des plumes et se construira sur les ruines de ce qu’il aurait pu être. Chacun, à sa manière, après son lot d’épreuves, trouvera cette liberté qu’il exsudait par tous ses pores, cette soif de possibles incapable de se cantonner aux limites d’une existence trop balisée.

À découvrir. En Blu-Ray et DVD depuis le 2 février 2021, et en VOD et EST depuis le 29 janvier avec Le Pacte.

Titre original

Flag Day

Date de sortie en salles

29 septembre 2021 avec Wild Bunch

Date de sortie en vidéo

2 février 2022 avec Le Pacte

Date de sortie en VOD

29 janvier 2022 avec Le Pacte

Réalisation

Sean Penn

Distribution

Dylan Penn, Sean Penn, Katheryn Winnick & Josh Brolin

Scénario

Jez & John-Henry Butterworth d’après le roman de Jennifer Vogel

Photographie

Daniel Moder

Musique

Joseph Vitarelli ; chansons de Cat Power, Glen Hansard & Eddie Vedder

Support & durée

DVD Le Pacte (2022) zone 2 en 1.85:1/108 min

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