Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Un petit Clint Eastwood, humble mais manquant de subtilité, aux effets de mise en scène parfois exaspérants, sauvé par l’interprétation d’un casting très convaincant, dont un Tom Hanks impeccable comme d’habitude et un Aaron Eckhart formidable. Sully n’est pas un mauvais film, d’autant que la véritable histoire est captivante, mais il est un peu trop réalisé en pilotage automatique. Dispensable mais très correct.
Sully narre l’histoire vraie d’un pilote d’US Airways et de son équipage qui sauvèrent la vie de plus d’une centaine de passagers – la totalité - en amerrissant d’urgence sur l’Hudson en 2009. Un exploit salué par le monde entier mais qui faillit pourtant coûter au commandant « Sully » Sullenberger sa carrière. Car suite à ce qui s’est avéré être appelé le « miracle sur l’Hudson », une enquête a été menée pour désigner un responsable et, en l’occurrence, pour vérifier que le commandant n’avait pas d’autre choix que celui qu’il avait été contraint de faire, et qu’il n’avait, comme il l’affirmait, aucune autre alternative afin de se poser sans danger dans un aéroport proche.
Sully, c’est un peu l’histoire d’un homme et de son expérience, son instinct, sa parole, contre la logique froide des simulateurs lui donnant sans cesse tort. C’est le portrait d’un quidam devenu un véritable héros, faisant face à une nouvelle notoriété qu’il ne comprend pas, devant se battre pour prouver la légitimité de ses actes quand bien même tous les calculs d’US Airways le remettent en question. On assimile bien ce qui a pu motiver Clint Eastwood pour en faire un film. Les gens ont besoin d’un modèle, de voir un récit faisant la part belle à la droiture, au courage, au devoir, à la générosité. Sully est effectivement un personnage instantanément attachant.
Cependant c’est surtout un long-métrage qui manque d’enjeux (l’amerrissage est raconté en flash-backs, l’intrigue se focalisant sur l’enquête et sur la perception publique et médiatique du commandant), qui manque de recul (la caractérisation des protagonistes en fait des personnages-fonctions, très peu nuancés), qui manque de pertinence (que retenir de ce film à part une correcte illustration des faits ?). C’est donc un petit Clint Eastwood, aussi court que peu ambitieux. Sully appartient presque à ce qui est un genre à lui tout seul, le film américain patriotique. Ce n’est pas péjoratif, mais il est évident que l’on pourra trouver que tout ce que met en scène Clint Eastwood tient d’une légère exagération patriotique. Ce n’est pas gênant, c’est presque culturel. Le réalisateur représente les Américains sous leur meilleur jour, sans une once de distanciation. Sully, son équipage et les secouristes qui ont tous permis de sauver la totalité des passagers sont des héros. Point. On ne le remet pas en cause.
En revanche, on pourra toujours être étonné de constater que tous les personnages du film sont d’une bienveillance et d’un altruisme sans limite. Il suffit de faire attention aux petits dialogues introductifs qui présentent les protagonistes, y compris les plus secondaires : deux hommes visiblement éméchés dans un bar qui remercient le barman de leur avoir offert un verre, une femme avec son bébé s’asseyant à bord de l’avion prévenant son voisin que son fils risquerait de le déranger en lui « jetant des trucs dessus » ce à quoi il lui rétorque avec le sourire « vous inquiétez pas, j’adore ramasser des trucs », une hôtesse de l’air outrepassant la procédure d’enregistrement afin de permettre à une famille en retard de monter à bord, deux secouristes se chamaillant gentiment autour de leurs footballeurs préférés… tous les personnages sont présentés ainsi. Comme si tous les habitants de New-York étaient spontanément solidaires et amicaux, sans aucune réserve. C’est une direction compréhensible que prend Clint Eastwood, mais elle l’empêche de faire preuve de subtilité, car l’héroïsme des gens ne connait aucune adversité autre que le fameux incident qui obligea l’avion à se poser sur l’Hudson. Et puis il y a aussi la mise en scène qui en fait des tonnes (sans compter la chanson du générique de fin qui alourdit des images réelles de l’équipage et de ses passagers déjà suffisamment fortes). On assiste à l’amerrissage, raconté sous forme de flashback, au moins trois fois, sans compter les hallucinations de Sully à la symbolique peut-être un peu trop appuyée et les reconstitutions issues des simulateurs. Sur un film de 1h36, cela fait redondant.
Il faut reconnaître en revanche que l’interprétation générale très convaincante sauve le film. Tom Hanks est l’acteur idéal pour fédérer les spectateurs, il est impeccable comme d’habitude. Toutefois il faut aussi saluer le talent d’Aaron Eckhart, formidable en co-pilote ninja moustachu enthousiaste.
Sully n’est pas un mauvais film, d’autant que la véritable histoire est captivante et son traitement relativement humble ; il n’en est pas moins dispensable, certes, et très correct.
Titre original | Sully |
Mise en scène | Clint Eastwood |
Date de sortie | 30/11/2016 avec Warner Bros. |
Scénario | Todd Komarnicki, Chesley Sullenberger & Jeffrey Zaslow |
Distribution | Tom Hanks, Aaron Eckhart & Laura Linney |
Photographie | Tom Stern |
Musique | Christian Jacob |
Support & durée | 2.35 : 1 / 96 minutes |
Synopsis : L’histoire vraie du pilote d’US Airways qui sauva ses passagers en amerrissant sur l’Hudson en 2009.
Le 15 janvier 2009, le monde a assisté au "miracle sur l'Hudson" accompli par le commandant "Sully" Sullenberger : en effet, celui-ci a réussi à poser son appareil sur les eaux glacées du fleuve Hudson, sauvant ainsi la vie des 155 passagers à bord. Cependant, alors que Sully était salué par l'opinion publique et les médias pour son exploit inédit dans l'histoire de l'aviation, une enquête a été ouverte, menaçant de détruire sa réputation et sa carrière.