Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Une Danièle Thompson très appliquée s’essaie au film d’époque et tente de retranscrire en images la relation qu’entretenaient le célèbre peintre et le non moins célèbre écrivain. Cézanne Et Moi, par un trop plein de bonne volonté et de révérences maniérées, ne ménage pas ses effets, parfois pachydermiques. Reste donc un film agréable à regarder, qui devrait davantage plaire à un public étranger, avide de clichés folkloriques.
En voici un film qui devrait bien se vendre à l’international, où il sera probablement mieux perçu que dans son pays d’origine, le public étranger étant sans doute plus réceptif aux œuvres parlant de respectables figures populaires de la France que les Français eux-mêmes. Surtout quand le film en question l’abreuve de clichés folkloriques, d’images d’Epinal ou de déclarations emphatiques. Car c’est un peu le cas avec Cézanne Et Moi de Danièle Thompson. Comme si chaque département artistique du long-métrage s’était vu attribuer un « potard », tourné au volume max.
Pas de demi-mesure, donc, la réalisatrice s’étant impliquée sur ce projet depuis de trop nombreuses années, au risque de ressortir sans réserve une accumulation de recherches historiques et bibliographiques en tout genre en les transposant plus ou moins maladroitement d’un média à un autre. L’on ne peut nier l’enthousiasme de Danièle Thompson, et sa connaissance parfaite de son sujet, mais le trop plein de bonne volonté manifeste et les révérences maniérées du film semblent lui ajouter une sorte de surcouche un peu trop lissée qui n’était pas indispensable. Après tout, c’est à un metteur en scène très appliqué et qui s’essaie à un genre particulier (le film d’époque) que l’on a affaire, et il serait paradoxal de lui reprocher de trop vouloir bien faire.
Ainsi donc Cézanne Et Moi, en plus d’être bien évidemment très intéressant, reste très agréable à regarder. Non que le film soit magnifié par sa photo, relativement quelconque, mais surtout parce qu’il y a une certaine modernité dans le jeu, peut-être un peu trop théâtral, de ses acteurs principaux. Par modernité, on voudrait souligner le fait que ni les dialogues ni les comédiens ne donnent un aspect poussiéreux, désuet, figé à l’histoire. Cela sonne pourtant comme très « écrit », presque parodique par instants, mais cela fonctionne la plupart du temps. Il faudra s’habituer aux accents du sud de Guillaume Gallienne ou au maquillage de Guillaume Canet, mais, encore une fois, cela fonctionne bien. L’on sait bien qu’il y a une énorme part de romance voire de fantasme dans ce film, et c’est pour cette raison que l’on est indulgent. Oui, certains effets sont parfois pachydermiques, d’autant plus lorsqu’ils sont illustrés par des envolées lyriques d’une bande originale surlignant au Stabilo les émotions. Oui, le titre du film nous apparait toujours aussi peu révélateur de son contenu (pourquoi ne pas l’avoir appelé Zola Et Moi, car cela reviendrait au même), peu évocateur. Oui, malgré une direction artistique plutôt réussie, l’on ressort presque frustré de la séance tant le sujet se prêtait à davantage filmer les paysages de Provence. Pourtant, sans chercher à trier la vérité de l’approximation, le crédible du grotesque, les deux personnages principaux se révèlent attachants.
Et c’est le plus grand intérêt du film, celui de rendre humains deux emblèmes de notre patrimoine culturel, deux personnages historiques tellement célèbres qu’ils en sont devenus abstraits.
Ça détend bien !
Titre original |
Cézanne Et Moi |
Mise en scène |
Danièle Thompson |
Date de sortie |
21/09/2016 avec Pathé Distribution |
Scénario |
Danièle Thompson |
Distribution |
Guillaume Gallienne, Guillaume Canet, Alice Pol & Déborah François |
Photographie |
Jean-Marie Dreujou |
Musique |
Eric Neveux |
Support & durée |
35 mm en 2.35 : 1 / 117 minutes |
Synopsis : Ils s’aimaient comme on aime à treize ans : révoltes, curiosité, espoirs, doutes, filles, rêves de gloires, ils partageaient tout. Paul est riche. Emile est pauvre. Ils quittent Aix, « montent » à Paris, pénètrent dans l’intimité de ceux de Montmartre et des Batignolles. Tous hantent les mêmes lieux, dorment avec les mêmes femmes, crachent sur les bourgeois qui le leur rendent bien, se baignent nus, crèvent de faim puis mangent trop, boivent de l’absinthe, dessinent le jour des modèles qu’ils caressent la nuit, font trente heures de train pour un coucher de soleil... Aujourd’hui Paul est peintre. Emile est écrivain. La gloire est passée sans regarder Paul. Emile lui a tout : la renommée, l’argent une femme parfaite que Paul a aimé avant lui. Ils se jugent, s’admirent, s’affrontent. Ils se perdent, se retrouvent, comme un couple qui n’arrive pas à cesser de s’aimer.