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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

El Clan : pépé meurtrier

El Clan : pépé meurtrier
El Clan

Même s’il n’a pas eu l’impact attendu suite aux précédentes réalisations de Pablo Trapero, El Clan s’est tranquillement taillé une petite place dans l’histoire du cinéma en décrochant à la fois un Lion d’Argent à Venise (Mise en scène) et un Goya en Espagne (Meilleur film étranger en langue espagnole). En revenant sur la véritable « affaire Puccio » qui a défrayé la chronique dans l’Argentine des années 80, le réalisateur engagé tenait à porter à l’écran ce qui l’avait fasciné dans sa jeunesse – car, outre la performance d’excellents acteurs, ce qui impressionne le plus est bien que ce sordide fait divers se soit véritablement passé.

Bien qu’étant présenté sous une narration déconstruite (la première séquence se déroulant en 1985), le métrage suit aisément l’évolution de cette tragédie qui débute véritablement trois ans avant, alors que le pays est en train de sortir, groggy, d’une lourde dictature militaire. On y fait la connaissance d’Arquimedes, homme de main discret mais au charisme magnétique des services de renseignement de l’armée : alors qu’on lui fait comprendre que la hiérarchie se passera désormais de ses services, il choisit de continuer à agir comme auparavant, persuadé non seulement de suivre des principes inaltérables (que la toute nouvelle démocratie ne peut pas comprendre) mais également qu’il continuera d’être couvert par ses supérieurs en cas de dérapage. Encadré d’une poignée d’amis fidèles, il commence à planifier l’enlèvement de fils de notables pour lesquels il demandera des rançons astronomiques avant de les assassiner sans jamais les rendre vivants à leur famille de nantis.

Posé, le regard toujours ferme, le maintien toujours élégant, Arquimedes impressionne par sa dureté de ton et ce paradoxe subtil qu’il démontre dans sa vie de famille : car il est le patriarche d’une grande famille, les Puccio, aux revenus modestes mais dont il entretient avec passion l’excellente réputation. Guillermo Francella est l’atout-maître de cette production, aussi crédible en exécuteur des basses œuvres qu’en père affectueux bien qu’autoritaire. Le principal intérêt de l’œuvre se résume dans sa personnalité complexe, insaisissable, car il montre dans tout ce qu’il fait une sincérité à toute épreuve : il organise les rapts aussi sereinement qu’il préside une réunion de famille. Car c’est justement cette famille qui constitue à la fois la force et la faiblesse de ce « parrain » détonnant : si les filles, bien élevées et studieuses, peuvent à la rigueur ne pas être au courant de ce qui se trame dans le sous-sol de la maison familiale (car les kidnappés y sont tenus au secret et nourris par la propre femme de Puccio), il en va différemment des deux fils. L’aîné, Alejandro, grand gaillard bien bâti, est la fierté locale, élément prometteur du prestigieux club de rugby Atletico San Isidro. Promis à un brillant avenir, il n’ignore rien des activités malfaisantes de son père, allant même, quoique contre son gré, jusqu’à le seconder, voire jouer les rabatteurs en ciblant certains de ses coéquipiers. S’il manifeste régulièrement des velléités de révolte (après tout, un troisième frère s’est bien fait la malle sans donner de nouvelles), sa morale cède systématiquement le pas devant le respect dû à son père et les liasses d’argent qui lui permettent de monter un commerce lucratif et d’envisager un avenir radieux.

Ces rapports familiaux ambigus font tout le sel de ce thriller vaguement politique au sein d’une nation qui se cherche encore un cap : Arquimedes manipule visiblement ses proches qu’il aime pourtant véritablement, mais dont il ne souffrira aucune volonté de sécession. Evidemment, cela tournera mal, et c’est au moment les plus sombres que la véritable personnalité de Puccio fera surface…

El Clan se révèle donc un portrait glaçant d’une famille en apparence ordinaire, solidaire et aimante (regardez la photo de l'affiche pour vous en convaincre), dont les enfants feraient la fierté de n’importe quel parent. Mais une famille sous la coupe silencieuse d’un père implacable et ne se fiant qu’à une ligne de conduite dépassée et aveugle. A travers ces quatre enlèvements sanglants qui marquèrent durablement les esprits sud-américains se dessine un drame familial terriblement destructeur, sans conteste un des films marquants de l’année. Grâce à Cinétrafic, j’ai pu profiter de la sortie toute récente (le 21 juin 2016) du DVD chez Diaphana Edition : il est donc désormais disponible dans vos bacs préférés.

 

Titre original

El Clan

Mise en scène 

Pablo Trapero

Date de sortie en salles

10 février 2016 avec Diaphana Distribution 

Date de sortie en vidéo

21 juin 2016 avec Diaphana Edition

Scénario 

Pablo Trapero, Julian Loyola & Esteban Student

Distribution 

Guillermo Francella, Peter Lanzani & Lili Popovich

Photographie

Julian Apezteguia

Musique

Sebastian Escofett

Support & durée

DVD Diaphana (2016) zone 2 en 2.35 :1 / 108 min

 

Synopsis : Dans l'Argentine du début des années quatre-vingt, un clan machiavélique, auteur de kidnappings et de meurtres, vit dans un quartier tranquille de Buenos Aires sous l'apparence d'une famille ordinaire.
Arquimedes, le patriarche, dirige et planifie les opérations. Il contraint Alejandro, son fils aîné et star du rugby, à lui fournir des candidats au kidnapping.
Alejandro évolue au prestigieux club LE CASI et dans la mythique équipe nationale, LOS PUMAS. Il est ainsi, par sa popularité, protégé de tous soupçons.

Je dirais qu'il s'agit d'un mélange entre mélodrame et thriller, avec des emprunts au film de genre. Et puis j'ai tenté d'y glisser en plus de petits clins d'oeil au cinéma de Buñuel.

Pablo Trapero

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