Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Masters of sex : En octobre 2013, une des chaînes Orange proposait en VOst les premiers épisodes d’une série qui, si elle n’est pas arrivée précédée d’une réputation aussi flatteuse qu’un Game of thrones ou True Detective en enflammant la blogosphère, a su conquérir spectateurs et critiques dès sa diffusion aux Etats-Unis et au Canada un mois auparavant. Nommée par l’American Film Institute comme l’une des dis meilleures séries de 2013, Masters of sex a également fait parler d’elle aux Golden Globes, son interprète principal, Michael Sheen (mais oui, le fascinant Lycan de la franchise Underworld !) faisant partie des nominés.
L’audience de la chaîne OCS n’étant pas la plus dense du PAF français, tout un chacun a désormais la possibilité légale de visionner l’intégralité de la saison 1 de la série sachant que, succès oblige, une deuxième saison verra le jour dès cet été sur les écrans américains. Sony Pictures Home Entertainment met donc à disposition, outre la VOD UltraViolet, le coffret DVD et Blu-ray.
J’ai eu la chance de pouvoir regarder cette œuvre en blu-ray et ma première impression, très positive à l’issue du premier épisode, a été constamment confirmée par les suivants. Masters of sex bénéficie tout d’abord d’une écriture très fine, inspirée et élégante qui tranche volontairement avec la trivialité de certains domaines abordés. Les personnages présentés sont dépeints avec délicatesse et la mise en scène (John Madden et Michael Apted pour les deux premiers épisodes, excusez du peu !) permet de faire évoluer harmonieusement les relations entre eux dans ce microcosme qu’est cet hôpital universitaire du Middle-West, réputé pour son service de gynécologie-obstétrique dans lequel William Masters brille par sa maîtrise des secrets de la procréation. Cet homme austère, passionné par son travail, reconnu et salué par ses pairs, jouit ainsi d’une réputation flatteuse qui permet à l’institut où il œuvre de bénéficier des retombées de son savoir-faire sans égal. Le doyen Scully, mentor de ses premières années, le protège depuis toujours, ses subalternes le vénèrent tel un dieu et bon nombre des habitants de Saint-Louis lui vouent une éternelle reconnaissance pour avoir permis à leur famille de s’agrandir.
Mais Bill Masters dissimule deux lourds secrets : premièrement, depuis près de dix ans, il cherche le moyen d’explorer les mystères de la sexualité humaine de manière pondérée en s’appuyant sur des données statistiques et des expériences scientifiques tout en sachant combien il risque de choquer le public, certainement pas encore prêt à affronter les vérités qui risquent d’éclater. Car voyez-vous, nous sommes au début des années 1950, les déhanchements d’Elvis Presley ont été jugés obscènes et censurés à la télévision et des couples viennent encore voir le bon docteur en ne sachant même pas ce qu’il convient de faire pour procréer. Alors que le gouvernement procède à des exercices grandeur nature sur les risques d’attaque nucléaire provenant de l’URSS, le travail de Masters peut faire l’effet d’une bombe autrement plus dévastatrice.
L’autre secret du médecin, c’est qu’il est incapable d’avoir un enfant. Tirant « à blanc », son ego l’a poussé à rejeter la responsabilité de son infertilité sur sa femme, convaincue du coup d’être elle-même stérile : Libby Masters, l’épouse modèle de cette époque, élégante, discrète et fidèle, qui s’applique à suivre tous les traitements recommandés par son mari dans le but d’enfanter afin de donner enfin un sens à sa vie monotone et solitaire.
La série débute alors que Bill Masters effectue clandestinement les premières étapes vers une étude concrète : en voyeur consciencieux, et grâce à un accord passé avec une sympathique prostituée, il observe scrupuleusement les ébats des clients d’une maison de passe. C’est à cette époque que sa route va croiser celle de Ginie Johnson, une jeune mère fraîchement divorcée qui vient chercher du travail à l’hôpital. Indépendante, sûre d’elle, maîtresse de son destin comme bien peu de femmes de son époque, elle attirera indirectement son attention par la manière dont le jeune Ethan Haas, un brillant interne de son équipe, narrera les rapports fougueux qu’il entretient avec elle.
Dès lors, les bases de la série sont posées. Non seulement on va parler de la façon dont ces deux êtres que tout oppose vont mener à bien la première véritable étude sur le comportement sexuel, mais aussi et surtout de leur improbable relation mutuelle, de la place de la femme dans une société encore moralement étriquée, des différentes « déviances » (l’homosexualité est considérée comme une maladie et se traite avec des méthodes barbares) et encore des diverses formes de ségrégation (Lilian DePaul a beau avoir passé haut la main tous les examens faisant d’elle un véritable médecin, elle ne parvient pas à décrocher le moindre financement pour ses recherches pourtant capitales pour la santé féminine ; et lorsque Libby arrive à l’hôpital en compagnie d’un Noir, ce dernier est invariablement considéré comme son « boy »).
Outre son écriture raffinée qui parvient miraculeusement à ne jamais sombrer dans la pornographie (on a pourtant les premières vues intra-vaginales !), la série jouit surtout du talent de ses interprètes. Coproducteur, Michael Sheen campe à merveille un homme obnubilé par son projet qui a phagocyté une bonne part de ses pulsions et désirs. On n’a aucun doute sur son intégrité alors même qu’il regarde des couples copuler ou des patients se masturber et il suffit de voir comment il organise ses rapports avec sa femme, sélectionnant les positions les plus propices à la procréation, pour comprendre qu’il n’y a plus chez lui de désir autre que celui de mener à bien son étude. Jusqu’à sa rencontre avec la troublante Virginia… Celle-ci, avec son regard chaleureux, ses moues boudeuses et son phrasé particulier, focalise immanquablement l’attention : Lizzy Caplan est proprement craquante et incarne merveilleusement cette femme trop moderne, dont l’ambition et les préoccupations reflètent celles des jeunes mères du XXIe siècle. Le reste de la distribution est à l’aune de cette production intelligente, à l’image d’un Beau Bridges génial dans le rôle de Scully, mentor de Masters, heureux en mariage et dissimulant à son tour un terrible secret.
Des couples se font et se défont sous nos yeux, des drames éclatent et mettent en péril chaque projet, chaque intention de nos personnages tandis que l’Amérique retient encore son souffle, se replie sur elle-même avant d’entrer dans la féroce mais palpitante course à l’espace contre les Russes, avant de connaître la libération des mœurs de la décennie suivante. Et à travers cette formidable étude sociétale, aux costumes, décors et accessoires sélectionnés avec soin, ponctuée de situations souvent délicatement drôles, on se prend à se passionner pour l’avenir de Bill et Ginie, de leur étude conjointe et pour cette flamme qu’elle a allumée dans l’âme de ce praticien sévère et froid.
A voir absolument.
MASTERS OF SEX – L’INTEGRALE DE LA SAISON 1 contient les épisodes suivants :
Un Nouveau Monde (Pilote, réalisé par John Madden [Shakespeare in Love])
Course A l’Espace
Déviance Standard
Mieux vaut tard que jamais
Catherine
Le Meilleur des Mondes
Nouveaux Sujets
Mariage, Mensonge et Thérapie
Reflexes
Explosions
Question de Taille
De Nouveaux Horizons
Titre original |
Masters of sex |
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Création |
Michelle Ashford |
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Date de diffusion |
29 septembre 2013 sur Showtime ; 11 octobre 2013 sur OCS City |
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Scénario |
Ashford, Lippman, Bensinger, Shaw, Levine & Greene d'après l’oeuvre de Thomas Maier |
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Distribution |
Michael Sheen, Lizzy Kaplan & Beau Bridges |
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Production |
Michael Sheen & Michelle Ashford |
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Support & durée |
Blu-ray Sony 2014/12 épisodes de 50 min |
Synopsis : les vies inhabituelles, l’histoire d’amour et la traversée dans la pop culture de Masters et Johnson, et l’effet que leurs recherches ont eu sur leurs familles, leurs collègues et la société.
Leurs études provoquèrent une révolution sexuelle et les transportèrent d’un petit hôpital de Midwest, à la couverture de Time magazine. MASTERS OF SEX est une série sans tabou, qui parle d’intimité, de sexualité, sans vulgarité.