Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Une chronique de Vance
Sollicité par Niko, émoustillé par les listes de Cachou, Passionciné et Wade, j’ai pris le temps nécessaire à rassembler mes esprits pour constituer le classement demandé.
Pas facile, dites-moi.
J’ai vite compris qu’un intermède vespéral, juste après les corrections et préparations attenantes à mon métier et la projection quotidienne d’un film, ne suffirait pas à résoudre les conflits internes générés par les premiers choix.
Alors j’ai relu les classements de mes compagnons de route du Palmarès, et même d’autres trouvés au hasard des annonces sur Facebook. Eliminé quelques noms, réhabilité d’autres.
Toujours pas évident.
Fallait-il partir de ses films préférés ? Kubrick est mort, Cronenberg est canadien… Et puis, un film ne résume pas une œuvre. Pouvais-je décemment placer en haut d’une liste de noms prestigieux celui d’un gars ayant eu la chance (et le talent) de réussir un coup de maître juste une fois ? Je sens que je vais m’aliéner Cachou et Nico, mais comment pouvais-je légitimer la présence de (par exemple) Sofia Coppola sur le seul Lost in translation ? D’autant que Virgin Suicides, s’il m’avait intrigué, ne m’avait pas conquis et Marie-Antoinette m’avait horripilé. Donnie Darko, bien qu’il m’ait vraiment époustouflé, ne pouvait pas non plus octroyer un passe-droit à Richard Kelly, malgré tout son talent évident.
Encore moins évident pour d’autres (je consulte ma liste couverte de rayures et flèches – je suis très « flèches », sans doute une influence de mon signe zodiacal) : les frères Wachowski, honnis et précipités hors du Panthéon après avoir commis les deux suites à Matrix ; j’ai revu la trilogie dernièrement, en blu-ray, avec les Animatrix intercalés. Ca reste énorme, et d’une rare efficacité, malgré ces quelques passages un peu trop bavards à mon goût. Bound était excellent, vraiment bien fichu avec une intrigue tordue servie par des fulgurances visuelles hardies. Ils restent tout de même à la porte du top 10. Pareil pour Zemeckis, metteur en scène de très grands films familiaux et surtout de Contact, un film qui m’enchante et me gêne tout à la fois, mais qui manque de cette aura qui l’aurait hissé plus haut. Je me mords aussi les doigts de n’avoir pas inclus Costner (pardon Jennifer !), malgré l’incontestable excellence de Danse avec les loups et un tonitruant retour aux affaires dans Open Range. Friedkin ne pouvait pas compter sur l’indispensable Exorciste, même soutenu par son dernier Bug, déroutant, dérangeant et remarquablement réalisé.
D’autres restent aussi sur le pas de la porte, quand bien même leur célébrité leur confèrerait quelques facilités. Eastwood n’en sera donc pas, comme Nolan le britannique, ou Stone. De merveilleux auteurs, à l’univers cohérent et à la technique implacable, mais qui ne jouissent pas de l’impact qu’ont les lauréats de mon classement personnel.
Restait à construire le top 10. Si huit d’entre les rescapés étaient incontestables, les autres étaient difficiles à caser.
N° 10 : Quentin Tarantino. Parfois casse-burnes, il est à la fois surestimé et trop vilipendé. Surestimé parce que je n'ai pas trouvé
grand-chose d'intéressant dans Reservoir Dogs qu'on ne cessait de me vanter. Mais je ne comprends pas pourquoi on le critique pour afficher son amour immodéré du cinéma. Il en fait
souvent trop, mais son expérience de cinéphile enrichit incontestablement sa mise en scène. On peut tiquer sur cette propension à citer à tout va, on peut trouver ses récits creux et ses
dialogues inutiles, il n'empêche qu'ils frappent juste et mettent en lumière des pans entiers d'un art protéiforme.
N° 9 : Tim Burton. Artiste dans l’âme, son côté poète post-gothique est fascinant et il est capable d’émouvoir (dans l’excellent Big Fish que je revendique haut et fort) comme de séduire (dans les très beaux Sleepy Hollow ou Sweeney Todd) ou d’enchanter avec le magistral Edward Scissorhands. J’aime son authenticité, mais moins son humour (je ne fais pas partie des fans de Beetlejuice, qui me laisse froid, et Mars attacks ! commence à me gonfler).
N° 8 : David Fincher. Il n’aurait pas dû y être, mais Zodiac, revu récemment en blu-ray, a achevé de me convaincre après le magistral Se7en. Technicien hors-pair, d’une redoutable précision, ses films gagnent souvent à être revus, même si parfois ils dissimulent habilement un scénario un peu vain (je n’ai pas aimé Fight Club).
N° 7 : M. Night Shyamalan. Otons Phénomènes et on obtient un réalisateur de premier plan dont CHAQUE film m’a séduit (je fais partie des rares ayant été émerveillés par la Jeune Fille de l’eau). Narration fluide et sûre, grande science du cadrage et ce chef-d’œuvre qu’est Incassable.
N° 6 : Bryan Singer. Surdoué. La première fois que j’ai vu sa tête d’ado à la mine réjouie dans les bonus d’Usual Suspects, donnant des conseils à Gabriel Byrne, je me suis demandé si je ne rêvais pas. Singer n’a pas son pareil pour adapter des rêves de gosse avec un côté un peu bravache mais pas rebelle et maîtrise les groupes de personnage avec talent. Son pourtant décrié Superman returns m’a profondément plu.
N° 5 : Steven Spielberg. Impossible de passer à côté. Creuset de générations, il incarne le dynamisme incroyable du cinéma américain, puisant aux sources de l’art et plaisant au plus grand nombre. Des réussites incontestables et toujours cette émotion pure que John Williams parvient souvent à magnifier. Jaws est un monument, Close Encounters un pont entre deux mondes et Indiana Jones est la référence absolue de l’aventure.
N° 4 : John Lasseter. Comment ? Pourquoi n’aurait-il pas sa place ? Que je sache, on n’a pas interdit les réalisateurs d’animations. J’ai d’ailleurs longtemps hésité à inclure Brad Bird. Mais ses deux Toy Stories sont de pures merveilles et c’était ma façon à moi de le saluer.
N° 3 : Darren Aronofsky. Le talent brut. Remarquable dès Pi, il confirme avec un film choc d’une rare puissance (Requiem for a dream) et explose avec the Fountain. J’ai moins adhéré à son très classique Wrestler, mais quelle carrière !
N° 2 : David Lynch. Je l’ai découvert sur le tard. Et son univers m’a littéralement transfiguré. Cinéaste de l’étrange, il parvient à terroriser dans le décalage, l’exploration des ombres entre les réalités, des interstices entre les histoires. On peut le trouver obtus, hermétique, il est terriblement fascinant à mes yeux dans sa façon de filmer l’irréel et le rêve. Unique.
N° 1 : John McTiernan. Nombre de ses films sont dans mes préférés. Il y a chez ce gars une dynamique, une énergie transcendante qui transforme un survival ou une bête prise d’otages en références absolues. Predator , Die Hard et Last Action Hero sont définitivement des sommets de l’art et je peux les revoir sans me lasser.
Vlad, Cultiste, Twin et nico, c’est à vous !
EDIT : Cameron a donc sauté, la faute à une naissance un peu trop boréale. Merci à ceux qui ont l'oeil !