Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Etrange que je n’aie pas encore écrit sur ce film. Ce n’est pas faute de l’avoir visionné.
C’est sans doute en raison des réactions controversées que suscite l’oeuvre, qui m’a tour à tour séduit, passionné, agacé et troublé. Et chaque fois. Sa façon de s’engager dans une voie puis d’en emprunter une autre, avant d’hésiter, cette oscillation perpétuelle entre Foi et Raison, entre science et spiritualité, jouant la carte du paradoxe en prônant le retour à des valeurs simples tout en utilisant les progrès les plus avancés de la technologie pour retranscrire à l’écran les fantasmes d’un vulgarisateur scientifique de renom.
Dédié à la mémoire de Carl Sagan, auteur du roman du même nom, co-scénariste et co-producteur, le film prend son temps pour nous raconter une variation de Rencontres du 3e Type construite en trois temps : découverte et décryptage du message extraterrestre ; construction de la Machine et 1er essai dramatique ; 2nd essai et conclusion, répondant à certaines questions, en posant d’autres, ouvrant la porte aux spéculations. A ce train-là, plus de 2h30 de métrage, ça peut commencer à peser, et je sais qu’il a usé la patience de nombreux spectateurs. Néanmoins, ce ne sont pas les effets spéciaux particulièrement bien intégrés (avec cet indéniable savoir-faire de Robert Zemeckis qui s’était déjà bien entraîné sur Forrest Gump), ni les débats réguliers, fascinants mais finalement peu creusés, opposant la science et la religion, ni encore la partition d’Alan Silvestri (agréable, mais rappelant un peu trop les accords de la merveilleuse musique de Forrest Gump) ou la richesse du casting (tous les comédiens jouent à la perfection des personnages rigoureusement calibrés, presque archétypaux – quoique on puisse reprocher à James Woods d’en faire des tonnes en responsable de la NSA) qui emportent l’adhésion, mais bien le personnage d’Ellie Arroway. Cette jeune femme a surmonté un double traumatisme (elle n’a pas connu sa mère et a perdu son père qu’elle adorait avant ses dix ans) pour mener une carrière de scientifique brillante, bien que déroutante pour ses supérieurs et collègues, puisqu’au lieu de s’engager dans l’astrophysique, elle prend fait et cause pour le programme SETI (Recherche d’Intelligences Extraterrestres) – préférant, comme elle le souligne dans le film, la recherche pure à la science appliquée (mais rentable). Une passionnée, qui ne supporte aucune compromission, bien qu’elle doive supporter les avanies d’un directeur de projet rongé par l’ambition et totalement opportuniste.
Et c’est cette passion qui anime le métrage, et en transcende le script – pour peu qu’on la partage. Cette soif de connaissances qui est le seul moteur de l’existence d’Ellie, à laquelle elle sacrifie tout : célibataire, sans famille, elle n’a pour seuls amis que les rares collègues qui travaillent dans son équipe. Quand bien même cette recherche constante serait motivée par le secret désir de pouvoir communiquer avec ses parents disparus, elle n’en est pas moins le pilier inflexible autour duquel elle construit sa vie. Ellie est droite, franche et brillante ; elle compense ses lacunes sociales par une intelligence hors-normes, mais ses valeurs ne lui permettent pas de lutter à armes égales lorsque politique et pouvoir viennent s’immiscer dans sa quête : trop tendre, trop naïve, il faut la voir tomber de haut quand son supérieur s’approprie tous les mérites de sa découverte. Elle n’a même pas vu le coup venir. Pourtant, bien que prévenue, elle continuera sur sa voie, fidèle à ses principes, au point qu’elle y perdra ses chances de participer à la plus grande aventure humaine. C’est sa persévérance qui a permis de capter ce message émanant de Véga, son équipe qui l’a déchiffré – et elle se voit spolier de quasiment tout le bénéfice de cette avancée capitale dans l’Histoire. Lorsqu’il s’agira de plaider sa cause pour être le représentant élu de l’Humanité (la Machine à construire suivant les plans décryptés permettrait de voyager jusqu’à une destination inconnue), elle sait pourtant que ses seules qualités ne permettront pas d’emporter l’adhésion d’un jury dont les motivations lui échappent. Elle refuse pourtant de mentir. C’est à ce moment qu’elle perd ses chances, et gagne notre sympathie.
Certes, on pourra tiquer sur le manichéisme de certains personnages-clefs (Tom Skerritt campe un David Drumlin en parfait arriviste détestable, James Woods joue un chef de la Sécurité obtus et William Fichtner interprète le gentil aveugle Kent) – mais il suffit de leur opposer le duo captivant Ellie/Palmer (Palmer Joss/Matthew McConaughey est un théologien devenu conseiller de la Maison Blanche pour les questions liées à la religion – mais il a été séduit par la candeur et la flamme d’Ellie). On pourra trouver aussi que Hadden, ce technologue milliardaire, fait un peu office de deus ex machina et on n’aurait pas tort – mais il permet d’instiller le doute lorsqu’il faudra conclure sur l’affaire (et si tout cela n’était qu’un canular monumental ?). Il n’empêche qu’on sent que John Hurt s’amuse comme un petit fou dans la peau de cet excentrique.
Reste Jodie Foster, dans un de ses rôles les plus complets. Et toute l’énergie qu’elle investit dans ce personnage de femme indépendante uniquement fragilisée par des idéaux incompatibles avec sa carrière (et la perte d’un père adorable, de ceux qu’on aimerait tous avoir – David Morse, tout simplement parfait) rejaillit à l’écran avec une vigueur insoupçonnée. Elle atteint ses limites dans l’ultime partie, celle où elle passe de l’extase à la stupeur puis au bouleversement : c’en est presque douloureux de la voir bouche bée, ne s’exprimant plus que par des yeux écarquillés et un regard voilé, mais elle n’est jamais aussi performante que dans l’inconfort, quand le doute l’assaille, qu’elle cherche ses mots et dissimule mal le flot d’émotions qui sourdent d’elle. La majeure part de l’impact de Contact repose sur elle, et elle s’en sort avec les honneurs.
J’adore ce film.
Ma note (sur 5) : |
4,7 |
Contact
Mise en scène |
Robert Zemeckis |
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Genre |
SF |
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Production |
South Side & Warner Bros. |
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Date de sortie France |
17 septembre 1997 |
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Scénario |
James V. Hart, Michael Goldenberg, Ann Druyan & Carl Sagan d’après son roman éponyme |
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Distribution |
Jodie Foster, Matthew McConaughey, Tom Skerritt, John Hurt, James Woods & David Morse |
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Durée |
153 min |
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Musique |
Alan Silvestri |
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Support |
Blu-ray Warner region All (2011) |
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Image |
2.40:1 ; 16/9 |
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Son |
VOst DTS 5.1 |
Synopsis : Ellie Arroway, passionnée depuis sa plus tendre enfance par l'univers, est devenue une jeune et brillante astronome. Avec une petite équipe de chercheurs, elle écoute le ciel et guette un signe d'intelligence extraterrestre. Un jour, ils captent un message.