Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Parfois agacé, parfois déçu, rarement ému (alors que les deux autres opus étaient capables de faire passer les sentiments sans user de ficelles aussi grosses) mais souvent époustouflé et même agréablement surpris par certains enchaînements, j’ai regardé passer les 2 heures et 19 minutes sans réellement parvenir à me passionner pour cette succession de situations pas toujours crédibles. Pourtant, l’œuvre a des arguments à faire valoir.
Il s’agit bien d’un film dense, témoignant d'une maîtrise technique souvent ahurissante même si le scénario (et les dialogues !) a parfois des relents de vieux comics golden age et passe par des artifices niais (l'arrivée du symbiote donne la désagréable impression d’être traitée par-dessus la jambe) avant de retomber dans une modernité pas toujours de bon aloi. Certes, les « crétins costumés » régulièrement stigmatisés par la verve de Jameson (J. K. Simmons nous offrant de l’irascible rédacteur une vision complètement barrée et tellement délicieuse) peuvent passer pour ringards et dignes du qualificatif de « menace masquée » ; il n’en est pas moins que les précédents films avaient su jouer simultanément sur les deux tableaux, celui d’une nostalgie doucereuse et reconnaissante, sous-tendue par un respect total aux productions Stan Lee-Steve Ditko, ainsi que celui d’une recherche permanente d’une vraie crédibilité, une volonté d’ancrer le héros dans une contemporanéité évidente.
Ici, c’est clairement du côté de l’hommage (limite parodique et second degré) que se tourne le réalisateur, avec des clins d’œil appuyés à l’époque où John Romita Sr agrémentait de dessins harmonieux les aventures désabusées de Peter Parker alias Spiderman – j’en veux pour preuve les apparitions du capitaine Stacy et surtout de Gwen (adorable et déroutante Bryce Dallas Howard) avec son petit bandeau noir retenant en arrière sa blonde chevelure.
Pourtant, si l’on passe sur les enchaînements, les séquences de combat témoignent d’une volonté d’en mettre plein la vue qui finit par emporter l’adhésion : on y voit un Spidey tournoyant et virevoltant qui arrachera des cris d’enthousiasme aux plus blasés. La caméra a même du mal à suivre les évolutions de l’Homme-Araignée dans toutes les dimensions et le montage peine à retranscrire les subtilités des passes d’armes, où notre héros use de sa souplesse et de ses lance-toiles au maximum de leurs possibilités. Toutefois, même ici, le fan ne peut que se sentir frustré de l’absence quasi totale du recours à son spider-sense (alors que Venom lui-même le mentionne !), une faculté qui n’était déjà plus trop présente dans le deuxième volet.
Ce qui donne au final un spectacle ambitieux, fascinant et bancal. Même si leurs caractères prêtent largement à discussion (il est des revirements d’opinion que seule une faiblesse du script peut expliquer), Venom et l'Homme Sable sont visuellement fabuleux. Je ne trouve même pas qu’ils soient trop peu exploités, d’autant que l’amateur de comics adhèrera sans retenue à la façon dont leurs origines sont narrées (les noms, les lieux, les vêtements étant respectés à la lettre !). Quant à notre troisième larron, il est la très agréable surprise de cet opus, redonnant ses lettres de noblesse au premier villain de la trilogie et parvenant à déjouer les prévisions : rare qu’un film à grand spectacle parvienne à en garder autant sous le pied après la multi-diffusion des trailers et teasers. Le temps depuis a sans doute révélé le pot-aux-roses, mais on conviendra qu’il faille encore conserver le mystère pour les éventuels futurs spectateurs ne connaissant pas le film. Il faut tout de même souligner la performance étonnante de James Franco qui confère à l’œuvre un cachet plus sombre et fouillé, et qui a sans doute achevé d’inscrire son nom dans les registres des meilleures agences de casting. Les errances de Peter Parker, en revanche, si elles prêtent à sourire (notamment par le biais du toujours sympathique cameo de Bruce Campbell), sont nettement moins convaincantes.
C’est pourquoi il vaut mieux passer sous silence la fin, ratée et ridicule (la même scène du cimetière à la fin du premier est cent fois meilleure et plus pertinente) pour retenir cette somme d’efforts pas toujours judicieux, désordonnés, fâcheux parfois mais suscitant la sympathie par leur générosité. Un film qui séduira les familles et divisera les fans de la première heure.
Titre original | Spider-Man 3 |
Date de sortie en salles | 1er mai 2007 avec Gaumont Columbia TriStar |
Date de sortie en DVD | 1er novembre 2007 avec Sony Pictures |
Photographie | Bill Pope |
Musique | Christopher Young & Danny Elfman |
Support & durée | Blu-Ray Sony (2007) region B en 2.40:1 / 129 min |