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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

Cry Macho

Cry Macho

Et dire qu’on avait tous pensé, à la sortie de Gran Torino (2008), que l’inamovible Clint Eastwood tirait sa révérence – du moins devant la caméra. Que nenni ! Après le très convaincant la Mule, il revient avec la double casquette pour sa 39e réalisation, en mettant en image l’adaptation d’un roman qui n’attendait que le bon moment pour le cinéma – vingt et un an après le décès de son auteur, qui y croyait dur comme fer. Et si l’interprète de l’Homme des hautes plaines semble l’incarnation idéale de cet homme brisé, il faut se mettre en tête que le projet est passé de mains en mains et qu’on y a évoqué autant Robert Mitchum qu’Arnold Schwarzenegger ! D’ailleurs, Eastwood avait déjà été approché dans les années 80 : engagé sur la Dernière Cible, il avait même proposé de réaliser le film à la place. C’était, donc, écrit.

 

Synopsis : Mike, star déchue du rodéo, se voit confier une mission a priori impossible : se rendre au Mexique pour y trouver un adolescent turbulent et l’amener jusqu’au Texas. Il lui faudra pour cela affronter la pègre mexicaine, la police et son propre passé.

Cry Macho

En regardant le film, on a même cette confortable impression de ne pas vraiment avoir quitté l’ambiance de la Mule : même colorimétrie, mêmes paysages bardés d’ocre et de vieil or (tournés au Nouveau-Mexique tous les deux), même visage buriné par un soleil implacable. Et la douleur vous prend irrésistiblement devant la démarche hésitante et le dos voûté de celui qui longtemps dominait ses adversaires de sa stature longiligne et fière. Eastwood a vécu, et son chant du cygne, invariablement amer mais laissant poindre une douce nostalgie, semble désirer se reproduire avant le dernier adieu chaque fois repoussé. Si ça se trouve, Clint mourra sur un tournage, l’esprit apaisé et le sourire en coin, conscient d’avoir conservé un dernier atout dans sa manche et pensant tenir jusqu'au bout les rênes de son destin exceptionnel.

Cry Macho

Le voici dans la peau d’une star du rodéo, vivotant grâce à la générosité d’un ancien patron : ses jours de gloire sont loin, ainsi que sa famille, il a tout perdu suite à un drame et ne voue son existence qu’au bien-être des animaux qu’il soigne comme il peut. Et s’il comprend très vite qu’il y a un loup dans cette étrange mission qu’on lui confie : son boss, qui l’a d’abord viré pour ses retards excessifs, lui demande d’aller récupérer son fils qui vit au Mexique. Pourquoi lui ? Les explications vaseuses ne le satisfont guère, mais il n’est pas en mesure de refuser. Et le voilà sur les routes dans son vieux 4X4 poussiéreux, traversant ces vastes étendues au soleil couchant, pour un road-movie empruntant tellement au western qu’il est souvent qualifié comme tel : le désert, les cactus, les chapeaux à large bord, la lumière crue d’un soleil impitoyable, ces hommes à la peau tannée et au langage fleuri…

On s’aperçoit ainsi que, à cheval, en gros plan ou au volant de son véhicule d’un autre âge, le père Clint vieillit bien : l’affiche, somptueuse dans sa palette de couleurs, nous montre un cow-boy encore vaillant, au visage certes marqué par les épreuves et les décennies, mais toujours alerte. Mais dès qu’il met un pied à terre, c’est une autre histoire : Mike Milo est un vieil homme, son pas est précautionneux, son port n’a plus rien d’altier depuis qu’il s’est cassé les reins, naguère, loin dans ces souvenirs qu’il cherche à ne pas trop rappeler. Sauf que la confrontation avec la mère orageuse de Rafo, puis avec le jeune garçon lui-même, montre l’énormité de la tâche qui lui incombe : si sa pitoyable apparence suscite le rire puis une certaine tendresse chez l’ex-femme de son patron, elle n’engendre que méfiance chez un jeune homme qui vit dans la rue de petits boulots mal payés et souvent à la lisière de la légalité. Il manque se faire pincer après un combat de coqs pour lequel il a entraîné Macho, sa volaille de compétition. Et si c’est à contrecœur qu’il va suivre le vieux gringo, c’est ensuite pour découvrir ce père fortuné chez qui il pourra avoir une autre vie. Évidemment, la réalité est toute autre, et nos deux compagnons d’un jour se retrouveront poursuivis par les Federales mandatés par une mère possessive et rancunière, obligés de se mettre à couvert pendant un temps dans un petit pueblo, hébergés par une accorte veuve…

Cry Macho

Le film se suit placidement, passant par autant de figures imposées que nécessaire : on n’aura pas droit à une véritable course-poursuite ou même une simple fusillade, juste à des scènes intimistes avec ces deux mâles que tout oppose mais qui vont trouver un sens commun à leur vie, fait d’entraide, d’empathie et de compromis. S’il y avait au départ comme un air de Trois Enterrements, on s’en éloigne bien vite : le métrage navigue dans des eaux autrement moins denses et profondes, et se contente d’aligner de jolis moments et de jolies photos, avec une naïveté confondante. On sent que le script a pas mal d’années au compteur et rien ne vient surprendre le spectateur aguerri, chaque personnage poursuivant son petit bonhomme de chemin tout tracé dès le départ. Entre le gamin agaçant au possible et les situations cousues de fil blanc, on finit par être plutôt déçu par ce voyage légèrement trompeur, qui se noie sous les bons sentiments et une morale salvatrice. Malgré un Clint qui ronchonne et lâche par moments quelques insultes comme il en a le secret, on se lasse rapidement en attendant l’événement qui ne veut pas venir. On se contentera de le voir danser…

Cry Macho

Cela dit, la copie en UHD 4K rehausse l’œuvre en magnifiant la photographie totalement dominée par les tons chauds, et le HDR permet un contraste supérieur à ce qu’on trouvera sur le Blu-ray qui sera, sur ce plan au moins, néanmoins excellent. Les séances nocturnes (Mike aime dormir à la belle étoile) sont magnifiquement lisibles et les tenues mexicaines, hautes en couleurs, prennent un gentil coup de fouet, de même que les détails sur la peau de ces gens, que le sable et le soleil n’ont pas épargnés. Rien d’exceptionnel ou de spectaculaire, et si cela ne constitue pas un argument suffisant, le blu-ray contentera la plupart des spectateurs, d’autant qu’il est enrichi de petits bonus sur le tournage contrairement au disque 4K, vierge de tout supplément, mais également dépourvu d’une piste audio explosive : pas de Dolby Atmos à l’horizon, ce qui détonne par les temps qui courent, mais colle assez à l’ambiance paternaliste et un brin nostalgique dégagée par cette mise en scène naturelle, débarrassée d’artifices pompeux. La VO en Dolby Digital reste à privilégier, d’autant qu’un bon quart des dialogues est en espagnol, avec cet accent chantant caractéristique des Mexicains.

Enfin, fait à souligner, le coffret 4K est enrichi par un troisième disque qui porte sur l’héritage cinématographique de Clint Eastwood : un long documentaire en VOST qui vaudrait presque l’achat de l’ensemble.

En Blu-Ray 4K, Blu-Ray, DVD et VOD chez Warner Bros. Entertainment France  depuis le 16 mars 2022 (en achat digital depuis le 9 mars 2022).

Titre original

Cry Macho

Date de sortie en salles

10 novembre 2021 avec Warner Bros. France

Date de sortie en vidéo

16 mars 2022 avec Warner Bros.

Date de sortie en VOD

16 mars 2022 avec Warner Bros.

Réalisation

Clint Eastwood

Distribution

Clint Eastwood, Eduardo Minett, Dwight Yoakam, Natalia Traven & Fernanda Urrejola

Scénario

Nick Schenk & N. Richard Nash d’après son roman éponyme

Photographie

Ben Davis

Musique

Mark Mancina

Support & durée

Blu-ray UHD 4K Warner (2022) en 1.78:1 / 104 min

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S
Comme dit dans un autre commentaire, on pardonne la faiblesse du film parce que c'est Eastwood. Ceci dit : quoi de mal à ça ? <br /> <br /> Est-il navrant de ne pas défoncer ce film parce qu'il a été réalisé par un mec de plus de 90 balais ? Ça ne rend pas injustice aux autres films et ça ne fait de mal à personne. Alors oui, voir Eastwood s'accrocher dur comme fer à la vie pour continuer, encore et encore, de produire du cinéma jusqu'à la fin, c'est touchant et on ne peut que pardonner la qualité moyenne de Cry Macho.
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S
Qu'est-ce que c'est mauvais !... Je constate surtout dans l'ensemble une grande indulgence sur ce film juste parce que c'est Eastwood. Ca serait n'importe qui d'autre on crierait au navet... Et c'est un navet. Sur le podium des pires films du grand Clint et vu ses dernières années il serait peut-être temps de raccrocher...
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V
Tout à fait d'accord, j'étais assez consterné tout au long du métrage, je me disais qu'un truc allait arriver... mais non. On est loin de la Route de Madison.
P
Un script usé pour un film qui ne manque pas de charme à quelques endroits tout de même c'est vrai. Je retiens essentiellement la relation entre le vieux Mike et Marta.
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V
Oui, tout cela c'est mignon tout plein mais déjà vu mille fois, et la mise en scène très dépouillée ne met rien en valeur qu'un peu de tendresse. C'est délassant mais manque cruellement d'impact.