Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Parmi les films asiatiques attendus cette année, Manhunt fait l’objet d’une attention toute particulière. En effet, l’annonce d’un nouveau film du réalisateur culte de Une balle dans la tête, A toute épreuve, le Syndicat du crime et surtout l’énorme les Trois Royaumes (sans oublier quelques sympathiques incursions par Hollywood avec Volte-face, Windtalkers ou Paycheck) a de quoi faire saliver les amateurs de gunfights mémorables et d’action tempêtueuse, les amoureux d’un certain style de mise en scène multipliant les morceaux de bravoure, les ralentis et proposant systématiquement un montage ludique et dynamique.
Nul doute que, s’il ne finit pas parmi les grands coups de poing de 2019, Manhunt séduira en proposant aux fans exactement ce qu’ils attendent. Sa plus grande force est de rester fidèle à une certaine image de John Woo et de développer son intrigue par le biais de ce qui ressemble à des figures imposées, intégrées avec plus ou moins de fluidité et de pertinence : vous aurez ainsi droit autant à des scènes tournées dans l’eau qu’à une envolée de colombes en slow-motion, ces dernières occupant une volière malencontreusement percutée par la voiture des deux protagonistes. Si les connaisseurs applaudiront à deux mains, les rageux, les profanes et les blasés risquent de faire la fine bouche : c’est que tout cela, du coup, semble furieusement issu d’un métrage des années 90, sans le moindre second degré, filmé avec une sorte de jubilation enfantine qui ravira les nostalgiques.
D’ailleurs, le script lui-même accumule les passages obligés, du faux coupable en fuite au superflic badass. Les clichés pleuvent sur le scénario, construit de bric et de broc dans le but de proposer un maximum de fun et de tension. Il y a d’abord cette multinationale pharmaceutique basée à Osaka, en passe de signer le contrat du siècle avec des entreprises américaines, bien aidée par le travail de fond mené par Du Qiu, l’avocat d’affaires chinois qui a réussi à étouffer une sale histoire. Seulement, cette histoire a laissé des traces avec notamment le suicide d’un chimiste qui avait mis la main sur une formule révolutionnaire que la société compte bien faire fructifier. La fiancée, devenue veuve avant même de se marier, compte bien tirer l’affaire au clair, persuadée que l’entreprise est responsable de son décès : voilà Du Qiu au centre de toutes les attentions, avec un grand patron qui ne souhaite pas qu’il parte à cause de tout ce qu’il sait et une jeune femme déterminée à démêler le vrai du faux. Et bim ! Le lendemain, Du Qiu se réveille avec le cadavre d’une femme dans son lit. Ca sent tellement le coup monté qu’il va s’enfuir à la première occasion, d’autant que les flics semblent déterminer à l’abattre. Commence alors une course-poursuite désespérée, qui se complique par l’irruption de l’inspecteur Yamura, une légende des forces de l’ordre, et l’intervention de mystérieuses tueuses. Seul, ne sachant sur qui compter, Du Qiu devra compter sur sa seule volonté pour s’en sortir, à moins qu’il parvienne à persuader la jeune veuve ou l’un des flics de son innocence.
Ainsi charpenté, le film procure son lot de situations enlevées, avec des courses-poursuites hautes en couleurs (notamment en jet-ski) et des fusillades ultra-chorégraphiées (dont une pendant un mariage). Devant tant d’indices contradictoires, Yamura commence à se douter de quelque chose, et il aura plus d’une fois l’occasion de boucler sa proie. Interprété par Masaharu Fukuyama, ce superflic est la bonne idée du film, analysant les scènes de crime avec méticulosité, faisant face à l’adversité avec un calme olympien et capable de faire face n’importe quelle situation. Sa cool attitude devant le danger, son sang-froid et son charisme nous replongent dans ces productions des années 80 et 90, avec des héros aussi impitoyables que flegmatiques. Sa relation avec son assistante enamourée arrache de nombreux sourires et son jeu du chat et de la souris avec l’avocat fuyard occasionne des face-à-face plein de magnétisme. La seule véritable évolution vient des personnages féminins, qui sont légion : outre la veuve éplorée et déterminée, on a les tueuses (Rain et Dawn), la gentille et naïve fliquette ainsi que quelques seconds rôles hargneux. On regrettera que Tao Okamoto disparaisse trop vite (les cinéphiles auront reconnu la sublime actrice de Wolverine, le combat de l’immortel – elle interprétait Mariko – ou de Batman vs Superman). Quant à Jun Kunimura, il semble reprendre le même rôle à chaque fois (rappelez-vous Boss Tanaka dans Kill Bill).
Entre les milliers de cartouches tirées, les culbutes et cascades au ralenti, les surimpressions
et les fondus-enchaînés et quelques petites touches d’humour bien senties, les amateurs en auront pour leur argent. C’est du John Woo pur jus, ancré dans les années 90, parfois confus, parfois vain, mais toujours spectaculaire et impeccablement stylé. On voit venir la fin de loin et le sang coulera à flot mais on se régalera de ces séquences au tempo redoutable.
En VOD, DVD et blu-ray chez Metropolitan FilmExport depuis le 8 février 2019.
Titre original |
Zhui Bu |
Date de sortie en salles (Hong-Kong) |
23 novembre 2017 avec Clover Films |
Date de sortie en VOD |
7 février 2019 avec Netflix |
Date de sortie en vidéo |
8 février 2019 avec Metropolitan FilmExport |
Photographie |
Takuro Ishizaka |
Musique |
Tarô Iwashiro |
Support & durée |
DVD Metropolitatn (2019) en 2.35 :1 / 106 min |
Manhunt - film 2017 - John Woo - Cinetrafic
Action, Thriller. Avec Hanyu Zhang, Masaharu Fukuyama. Retrouvez les bandes-annonces et vidéos. Découvrez des films similaires.