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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

Exercice de style : allitération

Alors que je me morfonds encore d’avoir fait faux bond à Satine pour un projet de texte commun avorté, je ne pouvais manquer la proposition qu’elle lança récemment à la cantonade de réaliser un texte fondé sur une allitération, sur le modèle de la célèbre réplique de V lisible dans le graphic novel d’Alan Moore (V pour Vendetta, voir l’article de Neault sur son excellent blog) et dans le film tiré de cette œuvre et produit par les frères Wachowski, réplique fort réussie tant en français que dans la langue originale (lisible en français chez Satine et en anglais chez Grey).

 

Je me lance donc, sans autre forme de procès.

 

La consonne choisie est le « S ».

 

Subrepticement, la sentence ainsi susurrée sans discussion me glaça les sangs, avant de successivement s’emparer de mon esprit saisi de stupeur et de stratifier mes sens assoupis : soit, ce sera donc cette sorte de commerce symboliquement secret en face à face à distance qui nous unira en une danse majestueuse des phrases stylées et une valse souveraine des syllabes cousines. Sympathique Satine, saisis-tu l’essence mystérieuse de cette conversation insidieuse ? Perçois-tu le discret potentiel de ces essais de poésie assonante et sibylline ? Conçois-tu l’assourdissant espoir de concentrer, de collectionner ou de concilier les tendances les plus sournoises de scribouillards juste sensés, sensationnellement spirituels ou simplement reconnaissants de te disposer dans leur liste de connaissances, soupirant peut-être, insensiblement, de ne t’avoir comme maîtresse d’un soir, séraphique muse de leurs aspirations vespérales, sensible messie annoncé d’une renaissance versificatrice ? Tu sais souvent, ô nostalgique et obscure sœur de Séléné, nous bercer spontanément d’illusions innocentes et de sereines effusions, tu penses distiller magistralement un savoir-faire fascinant judicieusement inspiré des immenses stylistes de la linguistique ou des prosateurs essayistes, tu soulages avec sagacité et en toute confiance les insignifiantes souffrances de ceux qui s’apitoient simultanément sur leur sort personnel ou sur celui de ces autres qui les exaspèrent, tu sécrètes avec perspicacité et sans aucune espèce de cynisme, par ces énoncés sensibles et ces circonlocutions efficaces, un savant élixir aussi apaisant qu’un souffle syncopé de luciole sylphide. Baste, que cela soit l’invraisemblable sujet d’une messe basse ou un assentiment prononcé sans souci, ma besogneuse et modeste quoique révérencieuse participation signifiera sans doute combien docile je sais être et embarrassé je suis aussi, aussitôt que ma science singulière s’essouffle à soutirer difficilement la quintessence inestimable de mes insaisissables sentiments envers mon estimée et sublime consœur. Je me soumets servilement à ta déférence chevaleresque et dispose ci-devant l’aboutissement nécessaire de mes silencieux efforts à puiser sans cesse dans mes indispensables ressources, et dont tu possèderas désormais l’usufruit massif et sans condition.

Signé : Vance, ton serviteur prosterné.

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