Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
4,3/5
Retour aux grands classiques pour cette édition du Ciné-Club Sensation. Après un bon repas (arrosé d’un bon Bourgogne), il était temps de se mesurer à cette œuvre faisant partie intégrante de la culture populaire, dont le schéma narratif ou les séquences-clefs ont été reprises ou citées d’innombrables fois. Oscar du meilleur film, il doit aussi sa renommée à un casting impeccable, bourré de gueules connues dans les seconds rôles et illuminé par le duo de l’extraordinaire Butch Cassidy & the Sundance Kid (déjà de George Roy Hill).
On est ici devant une arnaque, un coup monté et tout l’intérêt du film repose non seulement sur l’objectif (plumer un caïd pour venger la mort d’un « respectable » arnaqueur) mais aussi et surtout sur la mise en place du dispositif. Construit en quelques tableaux comme autant d’actes théâtraux annoncés par un lever de rideau, le scénario malin et millimétré s’élabore progressivement, prenant son temps pour présenter les protagonistes, annoncer le plan et recruter les membres d’une organisation ambitieuse, qui devra également tenir compte des problèmes de Johnny Hooker, harcelé par un flic véreux et par les enquêteurs du caïd en question. Le tout avec une volonté très simple, clairement avouée : nous rouler. Ce qui se passe à l’écran est tout autant l’agencement d’une escroquerie impressionnante par sa taille et ses enjeux que l’établissement d’un décor de cinéma, avec force costumes et accessoires. Le parallèle entre la truanderie et les métiers du VIIe Art est clairement annoncé. Le seul effort à fournir pour le spectateur est ainsi d’être dupe, de jouer le jeu de la mise en scène, un jeu sain et salvateur qui agrémente les enjeux (Hooker est arrêté par le FBI : mise en scène ou réalité ? La femme qui l’héberge : amie ou ennemie ? Et cet homme ganté qui le suit, pour qui travaille-t-il ?). Accessoirement, c’est aussi l’occasion d’apprécier le passage en revue d’une grande partie du vocabulaire cinématographique : George Roy Hill revisite (et rend hommage) avec une élégance classieuse le film noir, stimulant sa mise en scène par des plans dynamiques, des panoramiques harmonieux et deux ou trois zooms judicieux qui mettent en valeur ces comédiens semblant prendre plaisir devant la caméra. De fait, malgré la mort de Coleman (l’acolyte de Hooker au début du film, un vieux de la vieille qui désirait se ranger) et les menaces constantes qui pèsent sur lui, la gravité n’est pas de mise dans ce film, à l’image de ce Johnny Hooker, jeune homme doué mais flambeur ayant un faible pour les femmes faciles, parfaitement incarné par un Robert Redford lumineux, au jeu naturel et au sourire malicieux. Paul Newman, en mode un brin paternaliste mais brillant de self-control, est un partenaire de choix face à l’arrogance animale de Shaw.
L’un d’entre nous a néanmoins jugé le rythme trop lent pour être agréable, malgré un dosage qui est apparu plutôt équilibré pour les autres. Il faut dire que la bande originale (des morceaux de Scott Joplin adaptés pour la circonstance) ne se prête pas à un tempo plus élevé et qu’il est nécessaire d’en passer par une phase d’introduction exhaustive pour ce genre de scripts.
Néanmoins, l’heure tardive n’aidant pas, le débat n’a pas été très enlevé : le film plaît, ou ne plaît pas. Ceux qui ont aimé ont été séduits par la réalisation très riche et le jeu d’acteurs, même si certains trouvaient la direction artistique un peu trop datée seventies. D’autres ont eu du mal à entrer dans l’histoire. On a glosé sur la suite (non officielle ?) de 1983, que personne n’a vu, et rectifié une confusion avec l’Arnaqueur, ce film de Robert Rossen avec déjà Paul Newman en artiste du billard. Le film aujourd’hui n’a plus la capacité de surprendre, tant ses codes ont été repris à l’envi, et sa résolution n’est plus aussi spectaculaire qu’auparavant (je me souviens qu’elle m’avait laissé « sur le cul » la première fois que je l’ai vue), mais il continue à séduire par sa classe incontestable et la précision de sa mise en scène. Sa constante bonne humeur se retrouve dans des productions comme Ocean’s eleven ou, en plus cynique, dans les Arnaqueurs de Stephen Frears, des films choraux à la distribution tout aussi impressionnante. A moins de rechercher l’aspect « machination » comme dans Engrenages de David Mamet (pas vu celui-là, mais il me branche bien).
Ceux qui seraient intéressés doivent cependant noter que le film, même s'il est sorti en HD-DVD, n'est pas encore dans le circuit blu-ray. La version dont je disposais était dotée d'un master souffreteux, en 4/3, avec un son mono correct ; la raison pour laquelle le titre était "Dragon : l'Arnaque" m'échappe encore. Privilégier la version collector (ou l'Edition spéciale), disponible un peu partout.
Le Ciné-Club d'avril sera consacré à Legend, en
blu-ray cette fois (version longue avec la musique de Jerry Goldsmith).
The Sting
Mise en scène |
George Roy Hill |
Genre |
Comédie policière |
Production |
Universal |
Date de sortie France |
19/04/1974 |
Scénario |
David S. Ward |
Distribution |
Robert Redford, Paul Newman & Robert Shaw |
Durée |
129 min |
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Support |
DVD Universal zone 2 (2005) |
Image |
1.85 :1 ; 4/3 |
Son |
VOst mono 1.0 |
Synopsis : A Chicago, en 1936, Johnny Hooker et son acolyte Coleman volent sans le savoir le convoyeur de fonds de Doyle Lonnegan, un dangereux gangster de New York. Coleman est aussitôt abattu par le gang de ce dernier et Hooker se réfugie chez Henry Gondorff, un spécialiste de l'arnaque.
Ceux-ci décident alors de venger la mort de Coleman en montant une vaste escroquerie destinée à mettre Lonnegan sur la paille. Pour cela, Hooker fait croire au gangster qu'il est capable
d'obtenir les résultats des courses avant qu'ils ne soient officiellement connus.