Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Voilà un film qui me laisse perplexe. Et, finalement, ce n’est pas une si mauvaise chose.
Perplexe parce que, signé Spielberg, il aurait dû forcément me plaire, ou à tout le moins m’impressionner, m’éblouir. Car oui, j’ai entamé ce Challenge cinéma la fleur au fusil, me repassant des films connus, redécouvrant quelques perles et surtout comblant les lacunes de sa filmographie. Or j’ai bien passé une heure à me demander ce que Spielberg était allé faire dans cette galère.
En outre, j’avais déjà vu le film, non pas au cinéma, mais déjà en VHS, à une époque où il avait déjà atteint une certaine notoriété et un statut de culte. La question est (encore maintenant) de savoir si ce même statut résulte d’une incompréhension des spectateurs (et critiques) de l’époque (le film a été produit en 1979 et n’a guère été apprécié par la légèreté avec laquelle il traite du patriotisme américain, mis à mal par le bourbier vietnamien) ou s’il s’agit uniquement de réhabiliter tant bien que mal un film qui n’a pas marché. Je me souviens que la première fois, j’avais bien rigolé, et j’avais applaudi les autocitations immédiatement repérables – l’intro reprenant carrément la séquence d’ouverture de Jaws accompagné de son thème musical.
Il se trouve que, si j’adore Aykroyd, je n’ai guère adhéré à cette farce. Volontairement loufoque, enchaînant sans trop de logique gags sur gags, le film appuie constamment chaque once de comique, la forçant jusqu’à la nausée : du nonsense au burlesque, il se présente comme une sorte de Hellzapoppin’ survitaminé, boosté par une distribution phénoménale et des moyens impressionnants. Outre une partie du staff du Saturday Night Live, en roue libre, on trouve quelques comédiens jouant littéralement de leur aura, avec un Mifune en officier inflexible perdant patience devant la condescendance affectée d’un Christopher Lee inoubliable en nazi pointilleux (leurs échanges acerbes restent ce que j’ai préféré dans le film, et on goûtera l’aisance avec laquelle Lee s’exprime en allemand, traçant ostensiblement la voie à Christoph Waltz) ; ah, et difficile de résister devant un Robert Stack grisonnant en général complètement déconnecté, préférant regarder Dumboau cinéma plutôt que d’affronter la réalité (Los Angeles sombrant dans la folie paranoïaque avec ses soldats tirant sur tout ce qui bouge) ! Les amateurs guetteront les caméos de John Landis et Samuel Fuller, et remarqueront le nom de John Milius crédité au générique (il a participé à l'écriture de l'histoire originale et à la production).
Le mélange prend mal. Les bagarres chorégraphiées au night-club (sur la musique de l’Homme tranquille) manquent d’allant – Spielberg fera beaucoup mieux dans sa scène d’introduction de Indiana Jones & le Temple maudit. Les mimiques, grimaces et blagues de potaches ne fonctionnent guère et accentuent le côté dépassé de cet humour à gros sabots, souvent lourd et parfois creux ; mais si l’on résiste à l’envie d’éteindre, on se prendra au jeu de cette montée en tension vers l’apocalypse insensée de la dernière demi-heure où les Américains plus ou moins en état de combattre se lancent à l’assaut du sous-marin japonais enfin repéré dans la baie, lui tirant dessus avec tout ce qu’ils trouveront (fusil, pistolet, char d’assaut et même canon anti-aérien !) tandis qu’il affûte ses torpilles dans l’espoir de détruire ce qu’il prend pour un centre industriel (alors qu’il cherchait Hollywood…).
Etrangement, malgré la folie régnant sur le tournage (Belushi n’étant pas très gérable, Spielberg aurait choisi de lui accorder plus de séquences que prévu – malheureusement souvent indigestes, en dehors de la scène où il fait le plein dans une station service), on s’aperçoit d’une grande maîtrise de la part de la réalisation, presque trop sage par rapport aux fulgurances entrevues dans Duel ou Sugarland Express : les effets spéciaux s’avèrent impressionnants (la gestion du duel aérien au-dessus des rues de L.A. est assez bluffante), les cascades spectaculaires et la pyrotechnie est au rendez-vous.
De ce grand salmigondis parfois dur à avaler, je retiens surtout cette bonne humeur qui transpire de chaque instant, une facette de Steven Spielberg qu’on n’avait jusque lors saisie que par à-coups, et une partition enlevée et dynamique de John Williams, vraiment réussie. Mais également une étonnante propension à nous dévoiler les jambes des filles – peut-être le reflet de l’intérêt esthétique des porte-jarretelles au cinéma ? Echec commercial à sa sortie, 1941 aurait pu gravement nuire à la carrière du cinéaste. Le bougre s’en est bien sorti.
Ma note (sur 5) : |
2,5 |
Titre original |
1941 |
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Mise en scène |
Steven Spielberg |
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Genre |
Comédie de guerre |
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Production |
Columbia & Universal Pictures, distribué en France par Columbia films |
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Date de sortie France |
12 mars 1980 |
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Scénario |
Robert Zemeckis & Bob Gale d’après une idée de John Milius |
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Distribution |
Dan Aykroyd, John Belushi, Nancy Allen, Christopher Lee & Toshiro Mifune |
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Durée |
115 min |
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Musique |
John Williams |
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Photo |
William A. Fraker |
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Support |
DVD collector Universal zone 2 (2009) |
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Image |
2.35:1 ; 16/9 |
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Son |
VOst DD 5.1 |
Synopsis : En 1941, alors que les Américains décident d'entrer en guerre, un sous-marin japonais fait surface au large de Los Angeles. Face à cette menace, les habitants de Hollywood tentent vainement d'organiser la résistance...