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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[ciné] the Tree of life : monument empesé

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Un film de Terrence Malick (2010), avec Brad Pitt, Sean Penn & Jessica Chastain.

the-Tree-of-life-01.jpgGenre : drame familial & quête métaphysique


Date de sortie en salles : 17/05/2011

Séance de 13h45. VF.

 

L’histoire : Dans les années 50, un couple apprend le décès de leur fils aîné. La douleur de cette mère attentionnée et aimante et les regrets du père exigeant et aigri font écho, par delà le temps, à ceux du frère cadet qui se souvient…

 

Une chronique de Vance

 

Un film de Malick, c’est un peu le rendez-vous nuptial des cinéphiles du monde entier, prêts à communier avec l’infini au gré des images savamment choisies de leur maître conteur préféré, si discret pourtant. La passion dont fait littéralement l’objet l’œuvre de ce cinéaste hors norme revêt ainsi les atours d’un culte, avec ses déviances et compromis : il faut avoir le cran de dire qu’on n’aime pas le réalisateur et préférer se taire que d’avouer ne pas avoir vu l’un de ses films.

Heureusement, le monde des adorateurs du VIIe Art est suffisamment tolérant pour que l’intronisation de chaque adepte se fasse dans la joie et la grâce, tant les connaisseurs sont persuadés que, fatalement, le profane les rejoindra.

Curieusement, mon amour du cinéma m’a très longtemps tenu éloigné de Malick, et j’ai raté toutes les sorties. A l’époque de la Ligne rouge, l’aura du bonhomme était telle que j’en avais presque honte.

Il me fallait m’initier.

Le prêt d’un DVD et une pertinente programmation télévisuelle ont effacé la dette, et j’ai pu enfin pousser un soupir de soulagement légitime. Oui j’avais vu Malick. Et oui, malgré quelques réticences, j’avais aimé (lire par ailleurs ma chronique sur la Ligne rouge).

 

Le Coin du C.L.A.P. : Do androids dream of electric sheep ? s’étant terminé plus vite que prévu, c’est avec le comic-book X-Men : les Origines que j’ai occupé le temps avant les bandes-annonces. Lecture rapide, et finalement décevante.

 

the-Tree-of-life-02.jpg

En relisant justement ce que j’avais rédigé à propos du film cité plus haut, je m’aperçois que les éléments qui me gênaient sont quasiment les mêmes. The Tree of life, film somme, film univers, souffre d’une forme de didactisme proche du prosélytisme avec cette voix off plombante qui dénature ou voile l’émotion (qui éclate pourtant au long de certaines séquences belles à en pleurer) et un discours spécieux, presque suspect. A vrai dire, je ne suis pas de ceux qui crient au scandale lors de la partie « cosmique » de l’œuvre, je serais même plutôt grand amateur de ces assemblages de plans soignés chargés de sens accompagnés d’une musique lorgnant vers le sacré : non seulement c’est beau, mais cela exprime au mieux ce que le cinéma a de profondément artistique, une sorte de conversation tacite avec le divin. Je trouve d’ailleurs à ce montage visant à retracer la Création des aspects similaires à l’énorme Koyaanisqatsi, bien plus qu’au 2001, l’Odyssée de l’espace que j’ai pu voir cité à maintes reprises dans les chroniques parallèles. Sans doute parce que l’extrême discrétion et la méticulosité maladive de Malick rappellent furieusement la perpétuelle recherche de la perfection propre à Kubrick – d’où le temps incroyable passé en salle de montage, longtemps après le tournage de la dernière scène.

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Mais voilà : en plaquant ces plaintes, murmures et prières des protagonistes sur ces visions transcendentales, l’essor est brisé : on ne fait que s’émerveiller, au mieux, alors qu’on pourrait s’extasier. Le liant avec l’histoire de cette famille archétypale n’est pas non plus de la meilleure fluidité, mais on s’y fait, par la grâce d’une direction d’acteurs et de cadrages formidables, quoique vite redondants. L’interprète du jeune Jack, confondant de charisme avec ce regard sombre et cette attitude coupable, aide à s’intéresser aux déviances d’une éducation tiraillée entre l’amour inconditionnel d’une mère rappelant dans un souffle les enseignements des religieuses et la rigueur teintée de respect d’un père qui tente de rattraper le temps perdu (ou de se sauver à travers ses enfants). On assiste alors, dans un schéma beaucoup plus linéaire, à des tranches de la vie de cette famille filmées avec sincérité et application : les contre-plongées et les gros plans se succèdent, alternent avec des visions oniriques magiques et forcent l’admiration tant ils sont signifiants et merveilleusement organisés ; tout est exprimé dans un regard qui se détourne, une moue qui s’esquisse, un geste presque anodin. Les plans se prolongent parfois, l’espace d’un instant suspendu, volé au temps, et la musique de Desplats accentue ces moments de félicité ou de tension.

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Las ! Alors que les images parlent d’elles-mêmes, des dialogues empesés, des répliques artificiellement induites perturbent la relation qu’on avait avec la pellicule et rompent l’harmonie des sphères. Encore une fois, là où l’émotion brute pointait, on nous fait redescendre sur Terre. Pire : le discours se pare alors de messages de moins en moins équivoques et on aborde la dernière partie dans un malaise sournois, en conflit permanent entre une béatitude de bon aloi et une méfiance salvatrice. Du coup, lorsque par delà les éons, les prières de chacun se joignent pour une communion métaphysique, on accepte de mauvaise grâce et on y assiste, un peu gêné, un peu contrit, empli d’une rancœur coupable, car on ne parvient pas à partager, on n’y croit pas, on n’y croit plus. La présence presque anecdotique de Sean Penn n’est pas le moindre des obstacles, bien qu’on se doive de souligner celle, lumineuse, de Jessica Chastain et les efforts captivants de Brad Pitt, parfaitement secondés par les trois acteurs interprétant les frères.

 

The Tree of life est incontestablement un film monumental, réalisé avec un soin maniaque, un souci du détail qui ne peuvent que rassurer les cinéphiles. Cependant il échoue chaque fois qu’il cherche à nous émouvoir, voire à nous convaincre. Le hiatus entre la subtilité de l’œil du metteur en scène et la pertinence des dialogues ne parvient jamais à se combler. Ceux qui passent outre vivront une expérience rare. Tant pis pour les autres.

 

Ma note : 3/5

 

Note moyenne au Palmarès : 3,61/5 pour 10 votes.

 

 

 

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C
<br /> <br /> "Mais voilà : en plaquant ces plaintes, murmures et prières des protagonistes sur ces visions transcendentales,<br /> l’essor est brisé : on ne fait que s’émerveiller, au mieux, alors qu’on pourrait s’extasier."<br /> <br /> <br /> Ah ben oui, c'est vrai en fait, maintenant que je lis ça, je me rappelle aussi que ce qui m'avait un peu freiné, c'était l'accumulation de sentences et de phrases toutes faites (dont j'ai<br /> complètement oublié de parler dans l'article alors que je m'étais promis de le faire). Il doit bien y avoir une raison au fait que la moitié des dialogues (même les deux-tiers) soient constitués<br /> de phrase comme "la vie, c'est dur, mais il faut apprendre à vivre avec" (je ne sais pas si tu vois le type de phrases dont je parle), qui donnent une impression d'artificialité aux sentiments si<br /> intenses que les images et la musique ont fait naître. Je dois dire avoir largement préféré les parties musicales et/ou silencieuses à celles parlées. Si le film avait été muet, je pense que je<br /> l'aurais bien plus aimé...<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Je suis vraiment content que tu partages mon sentiment car, je le répète, le film n'avait pas besoin de ces phrases, parfois pontifiantes et inutilement sentencieuses, pour nous entraîner.<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Je suis d'accord que le film aurait pu se finir sur la plage, lorsqu'il traverse la porte; car à la fin on se sent presque voyeur de cette communion, bien qu'elle reste belle dans sa grâce. Je<br /> trouve Jessica Chastain sublime, elle est d'une douceur incroyable. Par contre, Sean Penn, bon... Sa présence est utile, mais pas plus que ça.<br /> <br /> <br /> Les dinosaures m"ont un peu fait hoqueter, mais je suis passée outre, de même que le Saturne en images de synthèses bien raté. Et la reprises des images de Home, trop visible.<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Je partage certains de tes avis, mais ce que je pense aussi, et surtout, c'est que ce film mérite une seconde vision, en VO pourquoi pas ?<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> <br /> La musique souvent signée du grand Berlioz, ça a été très peu dit. On ne le connaît guère.<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> En fait, je crois qu'on connaît certains airs, sans parvenir à les identifier ou les attribuer à ce compositeur. Mais tu as raison, comme toujours, de le souligner.<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> <br /> Entièrement d'accord avec Vance, je suis restée à côté du film et les 15 min d'images successives n'avaient selon moi pas leur place, même si elles étaient splendides et accompagnées par une<br /> merveilleuse musique.<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Merci Jen.<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> <br /> Ah eh bien au contraire, cette narration murmurée m'a servi de guide dans le film et n'a jamais posée d'entraves à l'émotion brute qu'aurait pu procurer le film sans ces voix.<br /> C'est la deuxième fois que je lis une référence à Koyaanisqatsi ; je vais devoir me le procurer !<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Je n'ai pas encore vu The Fountain. Je parlais de l'accueil réservé à 2001 à sa sortie, Pauline Kael (grande prêtresse de la critique américaine à l'époque) et d'autres n'y<br /> avait vu qu'un ennuyeux film documentaire-mystique, jugement qui a presque disparu après, aujourd'hui il y a une sorte d'unanimité, même si c'est un film qui suscite toujours des réactions<br /> épidermiques.<br /> <br /> <br /> The Tree of Life fait partie de ces films qu'on adore ou qu'on déteste, il y a peu d'entre-deux, excepté des spectateurs comme toi capables d'en apprécier les qualités malgré tout,<br /> plastiques surtout. Je pense que The Tree of Life aura plus ou moins le même destin critique et public. Peut-être pas le même culte, certes. J'ai hâte en tout cas de le revoir au cinéma,<br /> incessamment sous peu.<br /> <br /> <br /> Je sens que c'est le genre de film que je devrais revoir tous les ans, comme La Ligne rouge et Le Nouveau monde d'ailleurs et, surtout, comme 2001, l'odyssée de<br /> l'espace. Les images de The Tree of Life restent ancrées en moi comme celles du film de Kubrick, que ce dernier ait une rigueur qui manque un tout petit peu au film de Malick.<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Très joli, et très juste ce que tu dis. D'ailleurs, les meilleures (c'est à dire tant les plus pertinentes que les plus enflammées) critiques que j'aie pu lire sur un film ont été écrites sur le<br /> visionnage du DVD, c'est à dire avec le recul nécessaire pour apprécier pleinement une oeuvre, surtout lorsqu'elle est aussi dense et ambitieuse. Ce film a tout pour passionner, et on pourra très<br /> bien s'en délecter ou le rejeter en bloc à la seconde vision.<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> <br /> oui, c'est triste de passer à côté de l'émotion, mais je crois que je peux comprendre... et ouch ! pour la note du palmares : moi qui le voyait déjà en tête du classement...<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Si je passe à côté de l'émotion, c'est bien malgré moi. Quant au classement, d'autres notes sont tombées, et le suspense n'en est que plus grand sur ses capacités à parvenir dans le top 10.<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> <br /> J'ai souvent entendu des reproches vis à vis de la voix off chez Malick, au contraire je la trouve subtile, très travaillée.<br /> <br /> <br /> Par contre je te rejoins sur la fin, trop onirique et appuyée.<br /> <br /> <br /> Si 'The Tree of life' n'est pour moi pas le plus aboutit des Malick face à 'La Ballade sauvage' ou 'La Ligne rouge', il reste une oeuvre bouleverstante, très travaillée comme tu l'indiques, mais<br /> un peu distante de tant d'ambitions.<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Tu as saisi l'essentiel de ce que je reproche et admire en même temps.<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Un très bon film a voir absolument<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Pour moi, c'est fait, merci.<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> <br /> Oui, c'est vrai, au début, on détestait le mysticisme de "2001", et puis ensuite, on s'y habitue, et puis c'est une référence, et quand un nouveau fait à peu près pareil et aussi bien, on<br /> critique, parce que ce n'est pas exactement dans le même esprit. Mais si ç'avait été dans le même esprit, ç'aurait été imité platement.<br /> <br /> <br /> Lamartine, dans "Raphaël", dit que Dieu est perceptible par la rencontre de l'âme-soeur, Raphaël perçoit Dieu par Julie et bientôt, Julie, qui est plutôt agnostique, perçoit Dieu par<br /> Raphaël, par l'amour pur et total qu'elle a pour lui et qu'il a pour elle. La relation avec la mère est davantage évoquée dans certains poèmes, car par l'amour de la mère, le poète dit avoir<br /> accédé à Dieu, pareil. La relation amoureuse qui est dans "Le Nouveau Monde" ressemble plutôt à celle de "Graziella", un aure récit autobiographique de Lamartine : la jeune Napolitaine fille de<br /> pêcheurs, et rencontrée dans un lieu sauvage et pur (Lamartine ne s'intéressait pas aux restes de l'Antiquité) aime follement le narrateur, et assimile leur union à quelque chose de divin, mais<br /> le narrateur doit repartir en France, il l'oublie, et elle se laisse plus ou moins mourir. A croire que Malick est Lamartine revenu parmi nous !<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Excepté pour "le même esprit" (je persiste à penser qu'il n'y a guère de comparaison à établir entre Malick et Kubrick, sur ce plan là du moins), je trouve que le parallèle avec Lamartine re nd<br /> hommage au film. Ah tu sais trouver les mots qui fascinent ! Merci ô Rémi !<br /> <br /> <br /> <br />