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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[ciné] les Aventures de Tintin : le Secret de la Licorne

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Compte-rendu d’une avant-première au Grand Rex, par Nico


Premier avis pour un film qu'il faut aller voir plusieurs fois pour en saisir toute la portée, que ce soit en terme de reconstitution (les arrière-plans et les décors au sens large fourmillent de milliers de détails qui raviront les fans de la première heure) ou de réalisation (chez Spielberg c'est toujours pareil : tout est tellement bien amené, fluide, simple que la réalisation passerait presque pour facile alors que bien entendu, elle est extrêmement réfléchie, subtile et adéquate). 

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Cela faisait donc quasiment trente ans que Spielberg souhaitait adapter les aventures du reporter (suite à une comparaison par des critiques entre le héros de la BD et Indiana Jones, lors de la sortie de ses Aventuriers de l'Arche perdue). Hergé lui-même considérait le jeune réalisateur (qui venait tout juste d'enchaîner Duel, Sugarland express, les Dents de la mer, Rencontres du troisième type et les Aventuriers de l'Arche perdue) comme la personne idéale (une situation semblable à la bénédiction de Kubrick de tourner A.I.). Il faut dire que l'univers de Tintin colle parfaitement avec celui que Spielberg a su créer de films en films. La rencontre entre l'un (si ce n'est LE) des plus grands dessinateurs/écrivains de bandes dessinées et l'un (si ce n'est LE) des plus grands réalisateurs au monde avait de quoi laisser songeur. Le film se devait d'être réussi. Il se devait de nous faire oublier la mauvaise réputation des adaptations aussi bien animées que live sur grand écran telles que Le Lac aux requins ou Les Oranges bleues

 

Quand on voyait Indiana Jones & le temple maudit, plus de doute n'était permis : Spielberg serait parfaitement à l'aise. 


En 2005, voyant les progrès en matière d'effets spéciaux de Weta Digital, le réalisateur fit appel à Peter Jackson (en plein tournage de son King Kong) pour tester le rendu de Milou en images de synthèses. Devinant que le rendu "live" et "photochimique" des comédiens maquillés en personnages d'Hergé allait jurer à l'écran, il décida de tout recréer par ordinateur grâce au "cinéma virtuel" si cher à Zemeckis. En gros : enregistrer la performance physique des comédiens avec la technique de la "performance capture" (bien plus qu'une capture de mouvements, ici le jeu de l'acteur est totalement fidèle sur l'écran) et utiliser des caméras virtuelles pour choisir son angle de vue et ses mouvements au moment du montage. Une totale liberté en quelque sorte, puisqu'aucun élément perturbateur si fréquent sur des tournages "live" ne peut survenir avec cette technique. Plus de caméra "physique", tout est enregistré et modifiable à volonté par le réalisateur. Pour un exemple précis : souvenez-vous des photos présentées il y a quelques temps. Sur l'une d'elles, on y voyait Haddock, Tintin et Milou, de dos, sur un canot renversé. Cette scène n'est pas montrée de cette manière dans le film. Elle est présente, mais cadrée de face. Pourtant, on peut être sûr qu'il s'agit exactement de la même scène. C'est simplement Spielberg qui a eu la liberté de choisir l'angle qu'il voulait, sans se soucier de savoir (comme sur un tournage normal traditionnel) si les caméras étaient bien placées à l'origine. Spielberg tourne Tintin sans caméra physique donc, et cela lui laisse une infinité de choix de placement de caméra virtuelle et de montage. 

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Et ça, en grande partie, fait l'attrait de ce film : voir comment ce réalisateur se débrouille quand il est libre de tout contrôler à la perfection. 


Et le résultat est plus qu'à la hauteur : un grand huit comme on n'en n'avait pas vu depuis Indiana Jones (surtout Indiana Jones & le temple maudit), avec des plans d'une extrême complexité - mais qui ne font jamais dans le superflu ou dans la démonstration technique. Tout paraît presque évident, simple et cohérent. On y retrouve tout ce qui est cher à Spielberg, mais en plus limpide : des plans de personnages entourés par des cercles, des jeux de miroirs et de transparence (ah cette scène au début du film, dans la brocante !), un plan à la Minority Report consistant à filmer en plongée comme si le plafond avait été déplacé, des plans séquences plus hallucinants que celui de la Guerre des mondes... Spielberg n'est pas bridé par des contraintes de tournage et le spectateur s'en rend compte. Ayant revu le deuxième Indiana Jones récemment, on y retrouve beaucoup de similitudes : un plan fabuleux comme que celui qui suit Demi-Lune lorsqu'il s'échappe de la mine se trouve dans Tintin, mais encore plus à sa place et rallongé. 

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On peut d’ailleurs noter beaucoup de références relativement fines à d'anciens films du réalisateur, tout comme à ceux de Peter Jackson. 


Tout ceci ne serait pas aussi satisfaisant sans une adaptation de haut niveau. Le trio de scénaristes anglais Steven Moffat, Joe Cornish et Edgar Wright (Hot Fuzz) a réussi à mélanger de la plus habile des manières trois albums : Le Crabe aux pinces d'or, le Secret de la Licorne et le Trésor de Rackam le rouge. Pas de trahison à l'univers et aux personnages de la BD, mais une réelle preuve de l'intérêt des scénaristes pour les aventures du jeune reporter belge. Et quand il y a des gags et des scènes ajoutées, elles collent vraiment bien avec le reste. Il s’agit d’une véritable adaptation. Mieux, Jackson a affirmé vouloir faire une suite (si le film marchait) en adaptant le Temple du soleil : et bien le Secret de la licorne pourrait presque faire le lien avec, alors que les bandes dessinées n'ont pas vraiment de rapport entre elles. Je ne pense pas qu'en voyant le film, les fans purs et durs (dont je fais partie : je regardais les dessins des aventures de Tintin avant de pouvoir lire) puissent trouver beaucoup de critiques à énoncer. De toute façon, c'est ce qu'il fallait : un film complet, réservant quelques surprises et bourré de clins d'oeil très fins à Hergé ainsi que de gags très réussis. 


John Williams est toujours aussi bon. Des thèmes vraiment très intéressants, entre ceux d'Arrête-moi si tu peux, Harry Potter & the prisonner of Azkaban et Star Wars

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Et quand en plus, sa musique retentit sur un générique de début aussi inspiré, ça en devient jubilatoire. 


Un mot sur les acteurs : non seulement on oublie très vite qu'il s'agit de maquillage par ordinateurs, mais on reconnaît presque les acteurs derrière. C'est sûr que la VO (très bonne, avec un travail sur les accents très sympa) aide à retrouver Andy Serkis (un de ses meilleurs rôles, carrément, où le personnage gagne en profondeur un peu à la manière de Boromir chez Jackson), Jamie Bell (son Tintin est très juste, le personnage est extrêmement bien interprété et sa voix est incroyable), Nick Frost/Simon Pegg (l'une des idées de casting les plus évidentes), Daniel Craig et Gad Elmaleh (dommage que son personnage soit aussi peu présent dans le film, tant cet acteur est talentueux dans les mouvements et le mime). 


Une réussite incontestable, technologiquement épatante et pourtant presque "classique", où chaque membre de l'équipe (réalisateur, producteur, acteurs, scénaristes...) est à sa place. Un respect total pour le personnage et Hergé, doublé d'une adaptation intelligente (on pense direct au Seigneur des anneaux). Très heureux des critiques dithyrambiques (je ne sais plus où je l'ai lu, mais la comparaison avec Tsui Hark est carrément justifiée). 


Un chef d'oeuvre que j'espère revoir bientôt. 

 

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The Adventures of Tintin : Secret of the Unicorn

 

Un film de Steven Spielberg (2011) avec Jamie Bell, Andy Serkis & Daniel Craig.


Distribué par Sony Pictures. 107 minutes.


Sortie nationale le 26 octobre 2011.

 

 

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J
<br /> <br /> Le film est vraiment très bien fait mais il n'a pas réussi à m'embarquer, je me suis parfois ennuyée.<br /> <br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> Je suis d'accord avec toi, ô Vance, sauf que je trouve que le combat entre Hadoque et Rackham reste plus palpitant dans la version d'Hergé, en fait.<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> C'est bien là l'un des noeuds du problème de l'adaptation : pourquoi ne pas s'être davantage concentré sur un ou deux albums plutôt que de se disperser ? Sans doute pour donner de la matière à la<br /> trilogie annoncée... Mais voilà : le film souffre terriblement de la comparaison avec les albums, alors qu'il réussit son pari dans tout ce qui est ajouté, ou extrapolé. En fait, ils auraient<br /> mieux fait d'écrire une nouvelle histoire et d'y instiller le rythme et la truculence des Indiana Jones.<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> <br /> Je t'ai confondu avec Nico, j'ai cru que c'était toi qui en disais tout ce bien !<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Pas grave. Ce sont des choses qui arrivent, même si nos avis ne sont pas interchangeables.<br /> <br /> <br /> En fait, j'ai été assez déçu : entre les passages époustouflants (comme la course-poursuite au sultanat), les séquences semblent poussives, l'humour ne prend pas et le rythme s'effondre.<br /> Techniquement, c'est une réussite, surtout au niveau du rendu des textures, mais si l'adaptation de trois bandes dessinées (plus des clins d'oeils à deux autres) est louable, le résultat apparaît<br /> assez délétère : on reste frustré du peu de temps accordé aux différents moments importants (heureusement, le récit concernant le chevalier de Hadocque et Rackham garde tout son impact, et son<br /> charme). C'est trop court, et trop peu dense.<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> <br /> Eux sont illuminés, mais nous, pas tellement, somme toute. C'est un peu le problème, quand les personnages voient des choses que le réalisateur ne veut pas montrer. Un peu absurde, sur le plan<br /> logique.<br /> <br /> <br /> Sinon, j'ai vu Tintin, et c'était sympathique, mais un peu quelconque, à mon avis. J'ai bien aimé les couleurs souvent vives et les décors qui ramènent un monde, mais pas du tout l'idée<br /> à mon avis grotesque que le méchant est le descendant de Rackham Le Rouge et que la lutte ancienne réapparaît à travers des descendants. Tu te rends compte, c'est la vendetta à la sicilienne.<br /> Tout le monde s'accorde à dire que c'est une maladie, et que cela réduit l'individu à l'hérédité. Globalement, les Américains aiment bien parler de choses "paranormales", mais dès qu'ils en<br /> parlent, c'est assez simpliste.<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> C'est absurde quand la volonté du réalisateur est de nous identifier aux personnages : du coup, c'est vrai qu'on a le sentiment d'une trahison.<br /> <br /> <br /> Pour Tintin, j'y vais ce soir.<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> <br /> En fait, ô Vance, j'ai trouvé que le n° 4 était trop bavard, et que le fond du mystère n'était pas attirant. Alors que dans le n° 1 et le n° 2, on ne s'attend pas spécialement à ce que les objets<br /> sacrés aient de vrais pouvoirs magiques (Indiana Jones lui-même n'y croyant pas), et réagissent en quelque sorte au bien et au mal, de telle sorte qu'on est surpris et heureux, quand cela arrive,<br /> que c'est alors jouissif, pour ainsi dire, dans le n° 4, cela ne se passe pas du tout ainsi. On annonce que le crâne de cristal permet d'avoir des visions d'autres univers, mais elles ne sont pas<br /> filmées, non montrées au spectateur : Indiana Jones les a, mais ne les partage pas. Finalement, on a l'arrivée des extraterrestres, mais on n'est pas surpris, car cela reste inférieur, somme<br /> toute, à la vision qu'a pu avoir Indiana Jones des extraterrestres dans leur propre monde, et qu'il n'a pas partagées. En fait, il n'y aucune sorte de piété vraie, vis à vis de ces<br /> extraterrestres, et aucune sorte d'émerveillement, d'étonnement : on assiste à un déferlement d'images baroques sans être vraiment touché, parce que c'est mal amené. Et la raison en est que<br /> Spielberg n'avait pas la même foi, vis à vis des extraterrestres, que vis à vis de l'arche d'alliance ou des pierres sacrées de Shiva, même. Je dirai du reste que le Graal, dans le n° 3, est<br /> lui-même rendu trop abstrait, et cela explique le ridicule du chevalier à la fin. Pour les extraterrestres, le vrai bon film d'aventures mystérieuses, c'est "Rencontres du 3e type". Personne n'y<br /> croit, ou on feint de ne pas y croire, et cela arrive. J'ai déjà évoqué ces questions, sur le "Royaume du crâne de cristal", dans un article, tu t'en souviens certainement : http://remimogenet.blog.tdg.ch/archive/2009/01/19/indiana-jones-le-cristal-vide.html<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Oui, tu m'avais invité à le lire à l'époque. Pour le Graal, la position est équivoque : alors que les personnages qui l'évoquent parlent de ce qu'il représente (l'immortalité, le "bon qui est en<br /> nous"), une fois confrontés à l'objet, on tombe de haut. C'est voulu sans doute (ce qu'il recèle et ce qu'il symbolise est bien supérieur à son apparence terrestre) mais jure un peu avec ce qui<br /> était évoqué dans le premier volet qui, lui, ne renie pas le sacré : ainsi, les trois épreuves à passer, si elles sont incontestablement ludiques, souffrent de la comparaison avec la séquence de<br /> la Salle de la maquette des Aventuriers de l'Arche perdue, tellement plus riche en émerveillement. Il y manque un souffle, celui de l'Initiation sacrée, de l'accession aux mystères de<br /> l'Univers.<br /> <br /> <br /> Etrangement, le dernier volet essaie de reprendre cela à son compte en opérant un basculement assez abrupt : après tout, Indiana Jones est le seul homme à avoir vu (et survécu ensuite) le pouvoir<br /> divin à l'oeuvre, son père et lui ont été "illuminés" et apparaît ainsi comme le seul digne à pouvoir observer l'essor de ces êtres venus d'ailleurs.<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> <br /> Tintin est assez proche du Temple maudit (d'ailleurs Demi-lune ne rappelle t'il pas Tchang ? L'Inde ne fait-elle pas référence aux Cigares ?). Mon Indiana préféré également est le 2. Le 3eme a<br /> exactement les mêmes défauts que le 4, injustement critiqué à sa sortie. Le 1 est parfait, le 2 plus expérimental presque, mais c'est ce qui le rend si exceptionnel par rapport aux autres. <br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> A force de les voir, je crois bien être complètement d'accord avec toi.<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> <br /> Je trouve bien que c'est le pire de tous, le moins crédible. La première heure du n° 2 est excellente aussi grâce à l'actrice, c'est plein d'humour, elle est très drôle. Il y a au milieu des<br /> scènes dignes de Robert E. Howard et du premier Conan ! L'atmosphère rouge est impressionnante. On y sent vraiment George Lucas.<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Le pire de tous ? Le moins équilibré peut-être, mais il y a une certaine intelligence dans la mise en scène ; je trouve qu'il y manque quelques éléments épars pour que la sauce prenne vraiment,<br /> et notamment la relation entre les personnages.<br /> <br /> <br /> Pour le 2, oui, je suis d'accord, c'est davantage tourné vers la dark fantasy, sans doute la raison pour laquelle il plaît davantage aux adultes.<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> <br /> Ma femme a voulu regarder Castle ! Je n'ai rien pu faire... Mais en DVD, j'ai les deux premiers Indiana Jones, je les connais par coeur. Le Temple maudit, je l'aime beaucoup.<br /> J'ai lune meilleure opinion de lui qu'on a en général, et de la Dernière Croisade, une moins bonne, je trouve ridicule le chevalier à la fin, cela m'agace. Je préfère le méchant sorcier<br /> du n° 2 et les pierres qui se mettent à briller au nom de Shiva.<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> J'ai eu une tendance similaire : spontanément, mes préférences vont au premier et au troisième, sans doute à cause des trésors qui me "parlent" davantage (et sur lesquels j'ai tant lu !), mais je<br /> m'aperçois progressivement que le 2e, plus sombre, plus intense est également plus adulte dans son traitement, et il touche à la perfection dans sa première heure (je trouve la fin trop facile,<br /> trop expédiée). Et le 3e, si sympathique dans son casting, et si impressionnant dans son objectif (le Graal, rien de moins !), reste quand même le moins équilibré et presque le plus enfantin. Je<br /> suis tout à fait d'accord avec toi sur le rôle du chevalier, risible (alors que le choix de Petra comme décor est exceptionnel).<br /> <br /> <br /> C'est une trilogie majeure du cinéma d'aventures, fondée sur des références aux serials et devenue elle-même une référence. Le 4e, qui subit en général les foudres des critiques, a aussi ma<br /> sympathie, mais pour d'autres raisons.<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> <br /> Je vais aller le voir ! J'adorais Tintin aussi, ça va de soi.<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Après avoir regardé Indiana Jones & la dernière croisade, on constate les parentés entre Hergé et Spielberg. Ca ne peut que fonctionner.<br /> <br /> <br /> <br />