Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Malgré un succès populaire tout à fait correct qui a entraîné rapidement la mise en chantier d'un second épisode, cette adaptation un peu opportuniste de la série engendrée par les cerveaux féconds de la paire Lee-Kirby n'avait pas laissé de souvenirs impérissables chez les amateurs de comics (qui n'y retrouvaient que trop peu épisodiquement ce qui avait fait le succès de la franchise Marvel sur le papier) ni chez les cinéphiles, qui l'etimaient bancal, gérant mal ses phases d'action et son humour. Pourtant, avec le recul, cette énième production Avi Arad qui avait vu nombre de réalisateurs jeter l'éponge, ne s'en sort pas si mal que ça et son aura, depuis la sortie du désastreux reboot de cet été, a été partiellement redorée.
Soyons pourtant francs : le film n'est pas une réussite. C'est en l'occurrence une œuvre mal filmée (le seul fait d'armes de Tim Story était auparavant d'avoir réussi à transposer Taxi aux Etats-Unis...), mal montée, avec des enchaînements de séquences sans queue ni tête, certains effets spéciaux ratés et des incongruités dans l'histoire qui nuisent à la compréhension et à la logique de la continuité. Le casting issu de séries TV à succès est loin d'être à la hauteur, la musique est transparente : autant d'éléments à charge qui pourraient être rédhibitoires.
Néanmoins, l'ensemble se laisse voir. D'une part, parce que la VF n'est pas si mauvaise et permet de faire ressortir, d'autre part, les vannes (pas toutes foireuses) que se balancent Ben Grimm et Johnny Storm à tout bout de champ. Parlons-en de ces deux-là : contrairement au comics de base, ils sont les personnages les mieux mis en valeur, leurs pouvoirs sont d'ailleurs les plus "visuels" et leur camaraderie autorise des transitions habiles entre comique de situation et drame. Reed en revanche est encore plus fade que le Banner joué par Eric Bana dans Hulk. Jessica Alba en Sue Storm est mignonne mais légèrement en décalage, néanmoins sa relation compliquée avec Reed est assez bien rendue ; enlaidie par une coupe affreuse, elle aura pourtant marqué l'esprit de spectateurs prépubères par cette habile mais inutile séquence de strip-tease sur le pont.
Il y a beaucoup de naïveté dans ce film (voulue ? Je me le demande...) et on hésite constamment entre agacement et magnanimité, sans pour autant s'ennuyer. Malgré tous les défauts constatés, l'esprit insufflé par Stan Lee et Jack Kirby il y a un demi-siècle transparaît dans une adaptation qui en appelle d'autres, avec un vrai réalisateur ainsi qu'une histoire plus forte et cohérente (l’avènement du Silver Surfer aurait dû fournir de bonnes bases), à moins de s'orienter vers une série solidement charpentée financièrement et qui pourrait entretenir ces relations privilégiées et cet humour bon enfant, tout en laissant la place au développement de trames complexes dignes du cerveau de Mr Fantastic - car si son élasticité apparaît souvent comme un pouvoir risible, le grand public a tendance à oublier qu'il est doté de l'arme la plus puissante qui soit : une intelligence hors normes, qui lui permet d'appréhender mieux que tout autre sur Terre les mystères de l'Univers.
Il ne reste plus qu'à attendre qu'une adaptation satisfaisante apparaisse sur nos petits ou grands écrans. Peut-être ce projet en préproduction avec Bryan Singer aux manettes ?
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Titre original |
Fantastic Four |
Réalisation |
Tim Story |
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Date de sortie |
20 juillet 2005 avec la 20th Century Fox |
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Scénario |
Michael France & Mark Frost d'après l'oeuvre de Stan Lee & Jack Kirby |
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Distribution |
Jessica Alba, Michael Chiklis, Chris Evans & Julian McMahon |
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Photographie |
Oliver Wood |
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Musique |
John Ottman |
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Support & durée |
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Synopsis : Reed Richards, génie scientifique fauché, obtient de Viktor von Doom (Fatalis en VF) le financement nécessaire à une étude sur les rayons cosmiques dans l'espace. Un accident survient (inexplicable et... inexpliqué) et les revoilà tous les cinq (Reed, son ami Ben Grimm, son ex Susan Storm accompagnée de son frère Johnny et Viktor) subissant le contrecoup de l'exposition à l'anomalie : mutations et pouvoirs se manifestent... Von Doom réagit très mal et décide de s'en prendre aux autres qui, sans trop le vouloir, mettront leurs pouvoirs au service de la société...