Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
L’Echange des princesses est un film historique particulier, puisqu’il raconte une occasion ratée, un rendez-vous avec l’Histoire qui ne s’est malheureusement pas produit au point qu’il en a laissé si peu de traces qu’il a fallu que l’auteure du livre original, Chantal Thomas, l’exhume des Mémoires de Saint-Simon. Du coup, certes il y a Versailles, la Cour, des nobles infatués et perruqués, des pays en guerre mais point de conflit ici, point de batailles rangées : Français et Espagnols sortent d’une guerre sanglante qui a vidé les caisses et dépeuplé les royaumes et la variole guette les survivants. Aux fastes inimaginables du règne de Louis XIV succèdent amertume et désespoir et les ors de Versailles n’abritent plus que des princes désabusés car trop vieux pour ces conneries ou trop jeunes pour s’en soucier.L’Echange des princesses est un film historique particulier, puisqu’il raconte une occasion ratée, un rendez-vous avec l’Histoire qui ne s’est malheureusement pas produit au point qu’il en a laissé si peu de traces qu’il a fallu que l’auteure du livre original, Chantal Thomas, l’exhume des Mémoires de Saint-Simon. Du coup, certes il y a Versailles, la Cour, des nobles infatués et perruqués, des pays en guerre mais point de conflit ici, point de batailles rangées : Français et Espagnols sortent d’une guerre sanglante qui a vidé les caisses et dépeuplé les royaumes et la variole guette les survivants. Aux fastes inimaginables du règne de Louis XIV succèdent amertume et désespoir et les ors de Versailles n’abritent plus que des princes désabusés car trop vieux pour ces conneries ou trop jeunes pour s’en soucier.
Nous sommes en 1721. Le Roi Soleil est mort depuis 6 ans et l’Etat ne parvient pas à s’en relever. Son arrière–petit—fils, le dauphin Louis, que sa gouvernante a réussi à préserver de la maladie (tous les autres princes sont morts), attend placidement sa majorité royale et s’en remet au Régent Philippe d’Orléans son cousin, homme sévère mais raisonnable qui sait mieux que personne à quel point le royaume est affaibli. Contre l’avis de l’agressif duc de Condé (qui semble jouer le rôle de la mauvaise conscience du jeune roi), le duc d’Orléans organise alors cet échange providentiel : Louis XV épousera l’Infante Marie-Victoire, fille du roi d’Espagne Philippe V (qui est en fait petit-fils de Louis XIV et donc premier dans la dynastie des Bourbons – mais qui a refusé ses droits de succession au trône de France par le traité d’Utrecht) tandis que sa fille Louise-Elisabeth de Montpensier épousera le fils du roi d’Espagne, scellant ainsi doublement la paix fragile entre les deux royaumes ruinés par des décennies belliqueuses. L’échange des princesses peut donc avoir lieu, ce qui proposera au spectateur un charmant chassé-croisé de carrosses et surtout une rencontre solennelle sur l’île des Faisans, minuscule condominium à la souveraineté partagée (encore aujourd’hui) sur la Bidassoa, à la frontière basque entre la France et l’Espagne, qui avait déjà connu un siècle auparavant un autre échange de princesses, des signatures de traités et même un échange royal (Charles Quint y relâchant François Ier contre deux de ses fils).
Les conditions géopolitiques étant posées, le film peut alors se consacrer aux personnages et sur la situation singulière liée tant à leur âge qu’à leur caractère. L’Infante est une toute petite fille de quatre ans à l’esprit vif, immédiatement éprise de son époux royal, n’attendant de lui qu’un sentiment réciproque qu’il se refusera à accorder, d’abord parce qu’il n’accepte pas qu’une autre femme vienne remplacer sa mère qu’il vénérait, ensuite parce qu’il ne sait pas quoi faire de ce petit bout de femme alors qu’il est en âge de procréer (et que le duc de Condé et ses camarades de la Cour l’encouragent à chercher les plaisirs là où il peut en trouver). Adorable poupée de porcelaine à l’image de celles qui remplissent sa malle de voyage, elle devra se contenter de jouer avec ses servantes et ne trouvera du réconfort que chez la Princesse Palatine (pétulante Andréa Férréol), belle-sœur de Louis XIV qui l’affectionnait pour son caractère et son franc-parler et l’a autorisée, une fois veuve, à demeurer à Versailles. La doyenne ne tarde pas à donner de savants conseils à la jeune reine, elle qui ne fut guère honorée par un mari qui ne lui a laissée que des dettes. Marie-Victoire peut également compter sur le soutien de l’ancienne gouvernante de Louis XV, Madame de Ventadour (Catherine Mouchet), une femme qui a la confiance du jeune roi mais pas le statut nécessaire pour infléchir ses prises de position.
De l’autre côté des Pyrénées, la situation n’est pas meilleure. Mademoiselle de Montpensier est une jeune femme rebelle qui n’a accepté l’échange qu’à contrecœur, parce que son père lui a martelé qu’il en allait de la sûreté de l’Etat. Mais on comprend très tôt qu’elle ne va rien faire pour se faire apprécier d’une cour de bigots et refusera même à son mari, totalement fou d’elle, qu’il la touche. Au palais du roi d’Espagne Philippe V, qu’on surnommait l’Animal, pour sa fougue et son inconstance, son caractère borné, ses manières outrageuses ne passent pas – elle se permet même de chantonner pendant les sempiternelles messes quotidiennes. De quoi ranimer la rage de Philippe, porté par un remarquable Lambert Wilson, qui poussera constamment son fils incapable à tenir son rang et engendrer des héritiers coûte que coûte.
Et c’est bien là le problème de cet échange : l’une ne peut concevoir d’enfant car beaucoup trop jeune (et semblant ne pas grandir avec les années), l’autre ne le veut pas. De quoi apporter de l’eau aux moulins des partisans d’un retour à une situation plus radicale, quitte à redéterrer la hache de guerre.
L’Echange des princesses est un film en costumes privilégiant les
dialogues et l’ambiance, déroulant sa chronique sur plusieurs années en de savoureuses petites saynètes non dénuées d’humour, parfois caustique. Les décors naturels choisis (des châteaux belges) sont criants de vérité, le mobilier du château de Beloeil rappelant à s’y méprendre celui des intérieurs de Versailles. Les numéros d’acteur de Lambert Wilson et d’Andréa Férréol ponctuent agréablement un métrage au rythme placide et à la réalisation méthodique mais sereine. Olivier Gourmet en Philippe d’Orléans se montre fort discret et ses adversaires politiques souvent grotesques. Difficile d’être ébloui ou passionné, mais la cruauté sous-jacente de ces situations qui écrasent l’individu au profit des Etats et le regard acerbe jeté sur une société en pleine mutation valent le détour. Un très beau film qui est proposé à la vente dans deux jours (le 2 mai 2018) chez Ad Vitam, le blu-ray se voyant complété par des entretiens avec le metteur en scène Marc Dugain et Lambert Wilson.
Titre original | L’Echange des princesses |
Date de sortie en salles | 27 décembre 2017 avec Ad Vitam |
Date de sortie en vidéo | 2 mai 2018 avec Ad Vitam |
Photographie | Gilles Porte |
Musique | Marc Tomasi |
Support & durée | Blu-ray Ad Vitam (2018) en 2.39 :1 / 100 min |