Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Après La Belle Et La Bête, encore une adaptation en live d’un film d’animation. On parle cette fois-ci d’un classique de SF japonais, remaké par une production occidentale avec un casting international, à savoir le chef d’oeuvre Ghost In The Shell. Si la pertinence de la démarche est toujours douteuse, le résultat étonne par sa fidélité scénaristique au matériau de base, sa direction artistique grandiose et la performance remarquable de ses acteurs. Sans atteindre la réussite de son modèle, ni celle des films culte du même genre, le long-métrage propose un spectacle aussi jouissif que rempli de belles pistes de réflexion.
Avant tout, nous tenons à faire une petite introduction sur notre rapport au film d’origine de Mamoru Oshii, inspiré du manga de Masamune Shirow. Il s’agit pour nous de l’un des plus grands films de SF, en avance sur son temps à l’époque de sa sortie et encore plus d’actualité aujourd’hui. De fait, cela paraît compréhensible que des producteurs aient souhaité, puisque c’est à la mode, en faire une nouvelle adaptation. Et si nous doutons toujours de la pertinence artistique de cette démarche, puisque le film d’animation fonctionne aussi bien plus de 20 ans après, nous n’avons pas fait partie des détracteurs de ce remake, attendant de voir d’abord le résultat.
Il est vrai que nous avions quelques craintes quant au respect du matériau de base, d’autant que le réalisateur aux manettes n’avait qu’à son actif – hormis 15 ans dans la pub - qu’un seul long-métrage, et pas des plus excitants, Blanche-Neige Et Le Chasseur. Et puis le choix de ce casting international pour interpréter des personnages a priori japonais avait de quoi nous agacer. Sans remettre en cause le talent de ces excellents acteurs, il nous aura fallu attendre l’aval de Mamoru Oshii pour être un peu plus rassurés. Car, bien que nous ne soyons pas si naïfs sur les motivations principales des producteurs, il y a bien une justification dans le film, plus ou moins valable selon votre humeur, qui explique la présence de comédiens de toutes origines. A commencer par l’actrice principale américaine Scarlett Johansson dans le rôle du Major (notez qu’elle ne s’appelle plus Motoko Kusanagi). En effet, il n’y a pas vraiment de raison dans ce remake, autre que celle de ressembler au film d’animation (et elle est totalement compréhensible), à ce que tous les personnages soient nippons.
A ce propos, et même si le talent d’actrice de Scarlett Johansson n’est plus à prouver et a dû être suffisant pour convaincre les producteurs de l’engager, il est assez amusant de constater qu’elle était en quelque sorte faite pour jouer dans ce long-métrage au regard de sa filmographie : elle était déjà allée au Japon dans Lost In Translation, elle avait interprété une intelligence artificielle dans Her, avait joué le rôle d’un personnage changeant de peau dans Under The Skin, ainsi qu’une clé USB experte en arts martiaux dans Lucy et une super héroïne de bande dessinée dans… tous les Marvel. Le Major est, du coup, un mélange de tous ces rôles. Si elle ne ressemble pas physiquement au personnage tel qu’il est dans le film d’origine, elle est en revanche très convaincante (mais moins qu’une actrice japonaise, nous sommes d’accord). Et l’on peut en dire autant de tous les autres acteurs, Pilou Asbaek est excellent en Batou, Juliette Binoche a un rôle plus nuancé que son personnage animé, Michael Pitt compose un antagoniste formidable quoique très peu présent à l’écran, et Takeshi Kitano en impose - comme convenu.
La mise en scène de Rupert Sanders n’a rien de particulièrement extraordinaire, il s’agit souvent d’une retranscription en live des cadrages de la version japonaise avec nombre de clins d’œil pour les fans (notamment le basset), ses plans n’ayant paradoxalement pas le même sens que dans le long-métrage de Mamoru Oshii. Mais il sait mettre en valeur le superbe travail de son équipe technique, et la direction artistique est vraiment magnifique. Le réalisateur a d’ailleurs tenu à expliquer pendant sa masterclass à la fin de la projection, qu’il a voulu utiliser un maximum de maquettes et de robots pour ne pas céder à la « facilité » du tout en images de synthèse (nous ne sommes pas de cet avis, mais il faut avouer que certains animatronics sont incroyables). Cela fait réellement un bien fou de voir un film de science-fiction avec un tel univers (plus coloré que dans le film d’animation), et à ce titre nous vous conseillons, si ce n’est en Imax pour lequel le format se prête bien, de le voir en 3D.
De manière générale, si bien entendu Ghost In The Shell ne peut être comparé à son matériau de base ni à des chefs-d’œuvre dickiens comme Blade Runner et Minority Report, le long-métrage de Rupert Sanders s’avère être un simple divertissement de qualité, parfois jouissif, rempli de belles pistes de réflexion (toutes proportions gardées, nous parlons d’un blockbuster assez vain et sans réelle personnalité mais qui conserve tout de même un certain fond). Très sincèrement, c’est déjà bien de pouvoir simplement affirmer que le film n’est pas un nanar. Ne nous faites pas dire non plus que le film est parfait. Faut pas déconner, on est conscient de l’absurdité du projet qui consiste à refaire - et en moins bien ! - un film culte. Mais l’on peut prendre un certain plaisir à regarder cette adaptation si l’on ne la considère justement pas comme une adaptation, mais simplement comme un bon gros actioner de SF.
Reste la question du remplacement d’une héroïne japonaise par une héroïne américaine. Comme nous le disions précédemment, le film le justifie. Mais il le fait de manière maladroite, voire hypocrite. A vous de voir, donc, si vous pouvez oublier que vous regardez Ghost In The Shell pour apprécier ce film à sa juste valeur. On savait dès l’annonce du projet que c’était casse-gueule, on savait que celui-ci n’aurait pas la dimension philosophique du matériau de base. Il aurait fallu que cette adaptation ait plus d’ambition, que Rupert Sanders ne suive pas à la lettre le scénario d’origine (à l’instar de La Belle Et La Bête, certaines ellipses compréhensibles dans un film d’animation ne passent pas dans un long-métrage live) ou ne retranscrive pas des plans dont il ne comprend pas le sens réel. Cependant, contre toute attente, ce Ghost In The Shell fonctionne bien en tant que plaisir coupable (on a presque un peu honte d’avoir apprécié alors que nous sommes fan du film d’animation).
Et puis si vous êtes vraiment réfractaire à ce remake, dites-vous qu’il aura au moins permis la ressortie du manga dans son sens de lecture d’origine et dans une meilleure traduction ainsi que celle de la véritable version en bluray dans une magnifique édition restaurée. Si ce n’est déjà fait, ou si vous n’avez toujours pas vu ce film culte, précipitez-vous pour l’acheter. Vous pourrez toujours aller voir la version américaine en vous disant qu’il s’agit d’un simple produit dérivé, visuellement épatant. On ne devrait pas, pour tout un tas de bonnes raisons, notamment notre attachement au film d’animation, mais on a vraiment apprécié ce qui est avant tout un blockbuster réjouissant.
Titre original | Ghost in the shell |
Date de sortie en salles | 29 mars 2017 avec Paramount |
Date de sortie en DVD |
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Photographie | Jess Hall |
Musique | Clint Mansell |
Support & durée | 35 mm et 3D en 1.85 :1 /107 min |
Ghost in the Shell, perfect edition
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