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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

V for Vendetta

Une chronique de TWIN

 

Que dire sinon que ça fait du bien de contempler du cinéma intelligent ! Certes, le film n'est pas exempt de reproches, il est même bourré de défauts, parfois pourtant habilement détournés. Le thème propre du film n'est en effet pas original pour un sou, simple variation autour d'un 1984 en puissance dans lequel on trouve encore des traces de Brazil et autres fleurons. Beaucoup de films et d'œuvres littéraires sont passés par là, et les frères Wachowski aidés de leur réalisateur James McTeigue ne font heureusement pas l'erreur de vouloir renouveler le genre par les revendications politiques ou sociales d'un tel thème. Evidemment, les mots sont forts mais ni plus ou moins que dans Equilibrium. Pourtant, c'est bien par leur façon d'aborder le sujet que le trio à la tête du projet fait mouche : on va s'intéresser plus facilement là où il y a un soupçon d'originalité, par exemple dans l'ascension si naturelle du dictateur au pouvoir ou dans le background de V qui, dès qu'on s'y attache, fait quitter au film son ambiance vraisemblable pour le plonger dans ces rêveries dantesques dignes d'un Akira. En tant que spectateur, il nous est aisé de nous identifier au personnage du flic joué par Stephen Rea : c'est par ses yeux de Droopy que l'on se surprend des rebondissements et que l'on assiste, impuissant, à la révélation d'un passé obscur et la formation d'un futur scellé par son présent immédiat. Tout s'imbrique parfaitement dans V pour Vendetta, par l'intermédiaire d'une logique narrative assez prodigieuse (il faut bien l'avouer, ces allers et retours, ces avants et arrières, ces flashbacks et flashforwards, sont d'une efficacité jubilatoire et confèrent une puissance considérable au récit, pour finir en feu d'artifice lorsque près de la fin, dans un montage d'images cauchemardesque, Stephen Rea joint bout-à-bout toutes les imbrications de l'histoire et solutionne ce gigantesque Rubik's cube). Une telle justesse narrative permettra en tout cas de faire un peu mieux passer la pilule de la passion, peut-être subjectivement un peu absente des premières séquences du film, la froideur émotionnelle absolument glaciale de l'œuvre et le jeu décalé, perdu (mais très bon) de Natalie Portman n'aidant pas. La construction-même du film, qui refuse toute exposition explicite (on n'échappera néanmoins pas à de très courtes phases explicatives parsemées ici et là avec discrétion mais trop didactiques pour être honnêtes), nous plonge directement dans cet univers, sans nous laisser une quelconque bouée à laquelle se raccrocher.

C'est pas évident, d'autant plus que Stephen Rea n'est pas là de suite pour nous prendre par la main, mais ça augure immédiatement cette fascination pour une première séquence, certes très caricaturale, mais d'anthologie, au sein de laquelle un V très verbeux (un trait qui parcourt tout le film) et affreusement manipulateur nous conte des délices discursifs après quelques échanges musclés. V se pose en créature métaphorique et métaphysique, rappelant même Darth Vader dans cette fascination insondable que l'on peut avoir à fixer ce masque vide, figé dans un sourire ridicule, pour contempler et deviner ce qu'il peut bien se passer là-dessous. Le jeu de pantomime d'Hugo Weaving, effarant d'humilité, sert idéalement ce personnage si complexe. Le final de V pour Vendetta, explosion ultime d'images et de sons, d'engagement populaire, de symbolique unitaire et identitaire, dans une harmonie de destruction aux émotions que le papier ne pouvait absolument pas traduire, en résume bien les qualités et défauts inhérents : c'est un peu trop caricatural, un peu trop déjà-vu, un peu trop didactique, un peu trop vain, mais punaise, qu'est-ce que c'est bien fichu !


Bon master du DVD zone 1, qui aurait pu être meilleur si les noirs ne tiraient pas vers le gris, le bleu ou le vert, et si la définition était plus au top. VO 5.1 explosive. Petite featurette promo inutile en bonus.

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V
<br /> Je crois que j'en avais un peu parlé dans ma propre chronique : ce qui m'avait perturbé c'était aussi que le doublage flinguait un peu le suspense concernant l'identité du tortionnaire d'Evey (on<br /> reconnaissait la voix). Je trouve que tu as raison de tiquer sur ce procédé, mais il m'apparaît aller en droite ligne des prétentions de l'auteur.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> (j'aime beaucoup Equilibrium aussi)<br /> <br /> Je n'ai vu qu'une fois ce film (mais pourquoi?) que j'avais beaucoup aimé mais une chose m'a perturbée dans l'histoire, qui ne semble poser problème à personne: la manière dont V va "convaincre"<br /> Natalie Portman (en l'enfermant donc). J'ai trouvé cette méthode très douteuse, d'autant plus qu'elle le rapproche de manière trop troublante du système qu'il décrie. Etait-ce une critique<br /> volontaire de la part de l'auteur ou bien un procédé qui ne choque que moi en fait?<br /> <br /> <br />
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H
j'aime bcp Equililbrium, moi, je trouve qu'il a trop souffert de passer après Matrix.
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R
J'avoue que comparer V pour Vendetta à Equilibrium me fait un peu de peine... Autant le premier, malgré ses faiblesses, est un bon film sérieux et rafraîchissant par ses thèmes, autant le second est à  mes yeux un infâme brouet qui patauge à chaque instant dans le ridicule.Mais peu importe finalement, le plus important est de défendre ce V assez mal connu mais dont j'ai rarement entendu de mal de la part de ceux qui l'ont vu (hormis les inévitables comparaisons liées à n'importe quelle adaptation)Robby
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N
Un film qui a les profonds défauts du comic. V pour Vendetta est sans doute ce qu'il y a de plus gerbant dans l'oeuvre du Barbu après Lost Girls. Autant Watchmen était fin, subtil, éclairé, brillant, autant V laisse un arrière-goût d'étron lorsqu'on le lit. Essentiellement parce que, sur le fond, l'esprit malade de Moore justifie le pire lorsqu'il est au service de ses idées (un fanatisme d'ultra-gauche un peu couillon, désolé pour le pléonasme).Je ne développe pas plus mais pour ceux qui seraient intéressés, j'avais longuement évoqué le sujet ici : http://comicsmarvel.blogspot.com/2007/06/v-pour-vendetta-ou-la-sinistre-folie.html 
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V
Un bon petit film sympathique.
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T
Pas de souci les gars mais, effectivement, n'ayant pas lu la BD, je n'allais pas avancer des arguments pour remettre mon texte en contexte et faire croire peu subtilement que je l'avais lue. Je vais m'empresser de la découvrir. Vu comme j'ai détesté Watchmen ze movie après avoir lu la BD, je me demande comment je considérerais ensuite V for vendetta (qui d'ailleurs a disparu de ma DVDthèque depuis l'écriture cet article).
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V
Salut les gars. Merci de votre passage et d'avoir jugé bon de laisser un commentaire. J'en profite pour rectifier un peu : d'abord, je ne pense pas que ait décrié le côté "verbeux" de V. Ensuite, l'objectif était de parler du film, donc à travers une approche cinématographique - un peu comme je l'ai fait aussi, si vous cliquez sur le titre en rouge : à cette époque, de nombreux autres articles sur le film étaient parus, et certains, comme chez mon ami Grey, avaient choisi le parallèle avec l'oeuvre écrite. J'ai lu le graphic novel, puissant et radical, parfois grotesque et souvent troublant et on pourrait discuter longtemps des écarts entre les deux oeuvres (notamment la fin).  L'adaptation n'en est pas moins une réussite et, si vous avez raison de souligner la paternité des thèmes d'Alan Moore, le film est avant tout ce qui en a été fait par les cinéastes.
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Y
Après lecture, j'allais dire la même chose que youtokine toumi. Quand tu reproches un V "verbeux", je me dis juste que c'est le cas dans le comics et que c'est tout à fait volontaire de la part de l'auteur originel.Je te recommande moi aussi la lecture du comics, juste fantastique, ce qui n'enlève rien au plaisir que j'ai pris en regardant ce film.
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Y
Salut Twin,Je veux pas jouer les raleurs ou te casser la baraque mais y'a une grave lacune dans ton article. A aucun moment tu ne cites Alan Moore. Or V for Vendetta est avant tout une adaptation de la BD d'Alan Moore. Les thèmes abordés prennent tout leur sens lorsqu'on se plonge dans le contexte durant lequel la BD a été conçue, à savoir l'Angleterre de Thatcher. Moore, qui est British à la base, et un hippie de 1ère classe, exprimait ses craintes de voir la Grande-Bretagne basculer dans le fascisme avec cette BD. Essaie de la trouver et de la lire pour comparer avec le film. Sans ça, ton article fait croire que le projet vient entièrement des frères Wachowski, or ne le prends pas mal mais c'est un peu à coté de la plaque
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