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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

le Doigt pointant le coeur :

… « Je suis toujours là. »

 

Wall·E *****


Une chronique de TWIN 



Un chef-d’œuvre américain brillamment fantasque écrit et réalisé par Andrew Stanton pour les studios PIXAR, sorti dans les salles françaises en juillet 2008 (100 min env). Musique de Thomas Newman. Son et voix du (génial) Ben Burtt.

 

Wall·E, petit robot chargé de nettoyer une Terre engloutie sous sa propre déchéance écologique, se sent bien seul dans l’univers. Il a beau collecter divers objets pour son musée personnel, il lui manque un ami… Plus qu’un ami, il va trouver en Eve, machine chercheuse d’une preuve de vie organique, la conception d’un amour inédit…



 

Au sein d’une livrée de production estivale un peu morose, Wall·E s’impose d’emblée, dès ses premiers plans d’une fin de monde faite d’infinis et d’innocence, comme le film du contraste. Ses qualités sont telles qu’elles multiplient les frustrations : celles de l’exigence du voir plus, de la fuite en avant vers l’excellence de l’exceptionnel ; elles ajoutent également à la construction du fossé inouï qui sépare le dernier bébé de PIXAR de la production animée des autres studios, qui s’enlisent de plus en plus dans la répétition limitée et servile de recettes narratives épuisées, et du reste de la production tout court, tant l’été 2008 peine à distribuer des œuvres pertinentes, hormis quelques rares sursauts.

Ce n’est pourtant pas tant la pauvreté du contexte qui fait la valeur de Wall·E, mais bien son statut véritable et intellectualisé de film d’auteur. PIXAR ne sort jamais de mauvais film et réussit même, à chaque nouvelle œuvre, à émanciper le langage de l’animation et à l’amener vers des territoires—au niveau du rythme, des mouvements de caméra, des liens entre écriture et mise en scène, de la qualité du point de vue—jouant de l’expérimentation basée sur un héritage pratique et sensitif concret.

Wall·E ne déçoit jamais : il rend envieux. Introduit par un montage d’immensités qui semble redéfinir toute une conception de l’espace scénique, l’œuvre définit avec acuité, précision et générosité tout un sens de l’esthétique, une vision de Beauté, faite de déchets, de charniers matériels, de vide et de silence. Cela avec une tendresse et une douceur mélancoliques apaisantes jusqu’au regard fautif de l’être humain désincarné (le passé le fait de chair, le présent diégétique de clonage numérique). L’engloutissement spectatoriel de ces compositions picturales en devient si troublante qu’elle déchire le cœur tant l’on voudrait que ce premier acte s’étire à l’épuisement. Car, contrairement aux créatures qui se sont déshumanisés, Wall·E, cette nouvelle somme artificielle d’intelligence et de sentiments, nous promène vers quelques fragments de pureté et d’essentiel.

Petit mécanisme perdu dans un océan de gigantisme, Wall·E rêve des étoiles et de rompre sa solitude. Bercé par la nostalgie des souvenirs indiciels de vies terriennes dévastées ou abandonnées et par le ronron suranné d’une vieille comédie musicale, cette machine-à-penser-et-à-ressentir se fait le vecteur de décennies d’anticipation compilées quant aux considérations économiques et écologiques. Le trait a beau être grossier, il est d’abord intelligent. La construction narrative (au-delà des simples références visuelles) a beau reprendre une partie des étapes essentielles de 2001, l’odyssée de l’espace, il les noie surtout sous une vague d’humanisme, de réflexion sociale et de sensibilité amoureuse d’une innocence belle à pleurer.

Si le finale s’amorce comme une flèche dans le cœur tant ses conséquences se dessinent prématurément comme noires et tristes pour l’infiniment petit, il sera heureusement l’exutoire d’un renouveau d’une grande richesse intellectuelle. Wall·E aura tout simplement révolutionné en moins de deux heures les cœurs et les âmes aigries. Son générique, entièrement pensé comme un cohérent épilogue plastique, est le synonyme du démarrage d’un renouveau, celui où une humanité faite d’humains qui réapprennent à être humains et de machines plus humaines que les humains évolue vers la plus belle illumination : celle des arts et de l’abstrait.

> Retrouvez la chronique de Vance sur ce blog en cliquant ici.

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V
C'est la question que je me pose parfois : c'est comme si ces gars-là savaient exactement ce qui va me séduire, me happer, m'éblouir, m'émouvoir. Comme si j'avais grandi avec eux, qu'on avait partagé les mêmes expériences... C'est particulièrement sensible sur les Indestructibles et Toy Story.
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N
Vu aujourd'hui: un film magnifique, mais comment font les gars chez Pixar pour être toujours novateurs ?A côté la bande anonce de madagascar 2 et ses animaux hystériques qui chantent, ça fait un peu pitié ....Et puis Presto, quel chef d'oeuvre aussi !
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V
Je crois que j'utilisais le mot "miraculeux" pour commencer ma propre chronique... Et les Pixar réussissent si bien à susciter cette légitime admiration.
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T
Ce film est un miracle...
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V
Touchant et dramatique aussi : les humains ont perdu la faculté de créer alors que les robots redécouvrent pour eux la poésie, la nostalgie, l'amour.
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J
Comme le disait TWIN, ce sont toutes ces petites mimiques que les robots ne feraient pas en réalité qui les rendent si humains. Les petits rires d'Eve avec ses haussements d'épaules, ses yeux qui se voûtent comme nos paupières lorsqu'on rit, sa délicate approche maternelle et son air d'pas y toucher Goldmanien la rendent totalement affectueuse. Quant à Wall-E, ses attentions multiples envers Eve, ses jumelles d'yeux qui se plient pour lui donner des expressions compréhensibles, ses intonations dans sa voix bionique, il est si charmant. Alors oui, ce sont eux les humains alors que les vrais terriens ne sont que des matelas pneumatiques robotisés incapables de se mouvoir, dépendants entièrement de la technologie, ne cherchant pas à échanger, à discuter, vide d'émotion, c'est d'ailleurs à se demander comment ils ont fait les bébés que l'on aperçoit dans le film, peut-être sont-ils le fruit de clonage.... C'est le monde à l'envers et c'est ça qui est touchant.
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V
Oui, je l'avais bien perçu en ce sens. Ce qui ajoute encore à la pertinence du très beau générique où s'inscrit l'Histoire des générations à venir.
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T
Oui, Wall-E et E.T. sont similaires ausis bien physiquement que moralement. Son regard triste de petit enfant innocent fait craquer à chaque moue : voila un être dont les pensée ne confinent qu'au bien de tous, et qui ne fera jamais de mal. Wall-E est l'espoir incarné dans une carcasse a priori inhumaine. Pour les humains, je ne vois pas ça du tout comme un bémol. Les hommes sont de chaires lorsqu'ils apparaissent comme souvenir d'une époque où, malgré leur fin précipitée, il connaissait encore sentiments et passions. Ils sont des clones 3D lorsque réduits à un servage consummériste et virtuel. C'est plein de sens : c'est finalement la même idée qui vise à représenter les soldats comme des clones numériques dans la récentre trilogie Star Wars.
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T
Merci Jen, ça me va droit au coeur !
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V
Oui, bien entendu. Ca saute même aux yeux dans sa silhouette (bien qu'il se déplace beaucoup plus vite et fait preuve de plus d'initiative) : l'une des plus étonnantes réussites est sans doute cette faculté des concepteurs de tirer de ce regard binoculaire mécanique une palette d'expression inouïe. Et j'avoue avoir été complètement séduit par EVE, sa façon de pouffer ou de faire la morale, entre jeune fille capricieuse et mère.C'est un petit miracle. Seul bémol : l'apparition des humains en 3D, alors qu'au début on les voyait en live. Un peu le même pseudo-choc que pour le premier Toy Story où les humains étaient le (relatif) point faible.
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